Toulon, 1798. La flotte française attend le départ. Les marins ne savent pas pour où. Sur le port, ils croisent des savants, des philosophes, des gens inhabituels pour ce type d’expédition. Tous attendent le signal du jeune général Bonaparte. Grâce à ses talents de conteur, Juan Cole fait revivre la campagne d’Egypte, mais pas seulement. Il nous transporte, il nous informe et il nous fait réfléchir au colonialisme.
Car c’est moins l’expédition scientifique qui l’intéresse que l’offensive militaire avec les 50 000 Français qui débarquent près d’Alexandrie. L’invasion puis l’occupation de l’Egypte de 1798 à 1801 sont au cœur de ce livre remarquable. Ce professeur d’histoire à l’université du Michigan ne s’est pas contenté de raconter ce qui fut dit et redit. Cet Américain qui parle l’arabe, le turc et le persan a souhaité montrer comment cette campagne a été vue par ceux qui l’ont subie.
On y voit s’élaborer la stratégie de Bonaparte, les exactions de son armée affamée et épuisée, la supériorité de l’artillerie et des mousquets français, mais aussi l’efficacité de la cavalerie bédouine qui résiste dans le Delta. On y voit également le général Menou se convertir pour se marier avec une Egyptienne et la fascination du Corse pour cet Islam qu’il rêve de régenter à sa façon.
Bonaparte porta même le costume oriental pour montrer sa bonne disposition à l’égard des musulmans qu’il avait intégrés dans son Directoire. On le nomma Ali Bonaparte. Il se voyait sultan, garant des affaires islamiques tout en imposant le port de la cocarde en signe de loyauté à sa République française d’Egypte.
Bonaparte n’a pas reconstruit l’Egypte comme il le croyait et sa légitimité islamique ne fut qu’une chimère. En revanche, Juan Cole montre combien ce choc culturel, le plus important depuis les Croisades, marqua sa politique ultérieure. Pour lui, cette expérience fut pionnière.
Voici donc un exemple de ce que l’histoire à l’anglo-saxonne, celle qui combine rigueur des faits et art du récit, produit de mieux. La campagne d’Egypte comme vous ne l’avez jamais lue ! L. L.
