5 mars > Roman France

On est dans l’appartement de "Marie" qui raconte : Achille est dans le salon et Thétis, sa mère, dans la salle de bain. Ce sont bien les protagonistes du mythe, les légendaires héros : Achille, le guerrier grec, le demi-dieu, l’ami de Patrocle, tombé aux pieds des murs de Troie, touché au talon par une flèche empoisonnée. Survivant, après la mort de ses six frères, et fils de Thétis - une Néréide, la nymphe des eaux, mariée de force au mortel Pélée. Celui que son père a sauvé du feu et que sa mère, experte en métamorphoses, a plongé, enfant, dans le Styx pour le rendre immortel. Le mythe est là, dans la puissance évocatrice de l’énonciation. "Je prononce ton prénom Achille. Je le fouille à main nue. Dedans, il y a la foule", observe la narratrice-récitante. Le mythe est bien là mais transmuté par la langue de Marie Richeux, magnifiquement classique et intemporelle et pourtant chargée d’un lyrisme contemporain singulier. "Achille prend ma main et le fleuve noir de nos antiquités reparaît sous nos pieds." "La grosse et calme Thétis" nage dans une baignoire remplie de ses larmes. Achille "a l’air las". C’est un fragment d’Odyssée en chambre, une scène tragique de poche où corps à corps, enlacements, spasmes et étreintes se déploient dans un espace domestique traversé d’un calme souffle épique.

On a déjà loué la voix radiophonique de Marie Richeux, fraîche trentenaire. Changement de nom sans changement de ton, "Les nouvelles vagues" ont succédé en septembre à "Pas la peine de crier", une heure pleine d’échanges attentifs au milieu de l’après-midi, les jours de semaine sur France Culture. Polaroïds, paru l’année dernière, qui proposait une soixantaine de poétiques images-fictions sélectionnées parmi les centaines lues à l’antenne, étaient encore liées à son activité de productrice et d’animatrice radio. Ce que confirme le glorieux Achille, c’est un timbre d’écrivain qui a gagné en force sans se départir de sa douceur ferme et déterminée. Véronique Rossignol

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