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Apple chasse le porno

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Apple chasse le porno

Menée au nom de la protection des enfants, la surveillance des contenus sur l’App Store d’Apple apparaît parfois déroutante pour les gens du livre, d’autant que les mêmes ouvrages sont acceptés sur l’iBookstore, la librairie numérique du constructeur.

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Par Hervé Hugueny
avec Créé le 11.10.2013 à 19h29 ,
Mis à jour le 11.10.2013 à 23h52

Apple est-il un affreux censeur, garant d’un ordre moral hypocrite et désuet ? La question a resurgi avec la sommation adressée à Izneo, selon l’information révélée par IDBoox : la plateforme de vente de BD devait supprimer sans délai des contenus jugés pornographiques de son application disponible dans l’App Store, sous peine d’être bannie du magasin numérique du constructeur de l’iPad et de l’iPhone. La menace était à la fois sérieuse, Apple étant connu pour l’intransigeance des ordres qu’il édicte, et déroutante car sans aucune précision de l’interlocuteur appelant depuis les Etats-Unis, selon Nicolas Lebedel, directeur commercial d’Izneo. La proposition de prendre comme référence l’iBookstore, la librairie numérique d’Apple, s’est heurtée à un refus. Diffusées en dehors de l’App Store, et disposant d’un représentant à Paris, ses règles paraissent pourtant plus adaptées aux usages de la vente du livre. « Notre catégorie 16 + y reste diffusée sans problème, alors que nous l’avons entièrement retirée de notre application sur l’App Store », indique Nicolas Lebel. En dépit de relances répétées via son service de presse, Apple n’a pas plus fourni d’explications.

Elles sont à chercher dans les directives énoncées à l’attention des développeurs. Il s’agit d’une longue liste d’interdits formulée sur un ton cool, mais ferme. « Des tas d’enfants téléchargent plein d’applications, alors que le contrôle parental ne fonctionne que si les parents l’ont activé (et la plupart d’entre eux ne le font pas). Donc nous ouvrons l’œil en ce qui concerne les enfants », prévient d’emblée la review guidelines. Et de préciser : « Nous considérons les apps différemment des livres ou des chansons, dont nous ne nous occupons pas. Si vous, vous voulez critiquer une religion, écrivez un livre. Si vous voulez parler de sexe, écrivez un livre ou une chanson », suggérant ainsi aux éditeurs d’utiliser un support et un canal plus libéral pour diffuser leur production (l’iBookstore). Au point 18, la pornographie est bien interdite, et définie, à partir du Webster (le Larousse américain), ainsi : « des descriptions ou des expositions explicites d’organes sexuels, ou d’activités destinées à exciter des sentiments érotiques plus qu’esthétiques ou émotionnels ». C’est l’interprétation de cette définition qui soulève des divergences. « Tant qu’un juge n’a pas tranché, on ne peut savoir avec certitude ce qui serait légal ou pas », estime l’avocat Emmanuel Pierrat. Apple préfère laisser les éditeurs se débrouiller, au lieu de se lancer dans des discussions sans fin, et qui lui feraient courir le risque d’être aussi mis en cause. Amazon, Google, Windows formulent d’ailleurs les mêmes interdictions pour leurs magasins d’applications, mais dans l’indifférence apparente des développeurs.

Hervé Hugueny

11.10 2013

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