7 mai > Roman Etats-Unis

Certains semblent parfois écrire pour l’office du tourisme du Montana. D’autres, un autre au moins, depuis le Montana, ce qui change tout. Grands espaces, ranch, pêche à la truite et chute de la civilisation redneck comprises… Celui-là, c’est Thomas McGuane, l’homme de Comment plumer un pigeon, de Panama, de Rien que du ciel bleu, enfant désormais septuagénaire du rêve américain dissous dans la contre-culture. Il publie aujourd’hui La fête des corbeaux, son premier recueil de nouvelles depuis neuf ans, ainsi qu’ En déroute, et prouve qu’il n’a rien perdu de sa noirceur fondamentale ni de sa capacité à en prendre acte. La déroute reste d’actualité.

Chacune de ces dix-sept nouvelles signe chez son héros un acte de reddition. Un homme, mis à la porte de chez lui par sa femme, car incapable de suivre son régime, trouve refuge chez son fils. Un autre a du mal à assurer un foyer décent et serein à sa jeune femme d’origine yougoslave et à l’enfant qu’elle a eu avec un autre. Un jeune type oublie sa grand-mère, duègne aveugle et autoritaire, sur les bords d’une rivière. Un couple décide de faire la connaissance de ses nouveaux voisins trop discrets. Tout est à l’avenant, de la même eau coulant de Charybde en Scylla. Ce qu’il y a de fascinant chez McGuane, c’est son refus de plus en plus marqué au fil des livres des procédures de maîtrise, qui, sinon, enserreraient chacune de ces histoires dans un modèle trop couru "tchekhovo-carverien". La nouvelle se prête admirablement à ce laisser-aller qui est d’abord une élégance. Ce qui compte le plus chez McGuane, ce ne sont pas la trivialité du quotidien ou les rêves tombés dans la fange de ses personnages, mais les lignes de fuite presque zen que ces derniers peuvent encore emprunter. Cieux changeants, nuages, cours d’eau, vents, tout glisse, tout découle, dans ces fictions de la perte, d’une douceur paradoxale.

"Au bout de la voie de desserte, là où elle croisait la rue principale, un journal poussé par le vent se plaqua sur la cabane, aujourd’hui condamnée, qui vendait naguère des yogourts glacés. L’enseigne métallique à roulettes placée devant l’atelier de réparation de pneus se balançait. Le Dodge fit une marche arrière pour venir se ranger le long du bâtiment. Le rancher, à peine capable de voir par-dessus son volant, adressa un signe à Clay, qui lui répondit d’un grand sourire tout en disant "va chier !" entre ses dents." Tristesse et beauté. O. M.

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