4 juin > Art France

On le voit plus souvent s’agiter dans l’arène politique que sur le front de l’art. L’art chez Bernard-Henri Lévy, c’est surtout l’art de la guerre, ou, en ses propres termes, « la guerre en philosophie ». A l’analyse des froides cendres, il préfère l’engagement à chaud… Mais le voilà cette fois dans le champ apparemment inattendu de l’art. Le fantôme de Malraux n’est pas loin, qui alliait le regard et l’action…

Invité comme commissaire artistique par le directeur de la Fondation Maeght, Olivier Kaeppelin, Bernard-Henri Lévy signe le parcours et le catalogue de l’exposition estivale de la grande institution saint-pauloise : « Les aventures de la vérité ». Le philosophe a eu carte blanche pour puiser dans le patrimoine de la Fondation et emprunter des œuvres dans les collections publiques et privées. Le dialogue entre art et pensée, ce va-et-vient constant entre écriture et art, n’est pas nouveau dans cet espace : Aimé Maeght, le fondateur éponyme, avait créé entre autres choses la revue Derrière le miroir. De Prévert à Pierre Reverdy ou Francis Ponge, écrivains et poètes se sont impliqués dans ce haut lieu de la culture. Les philosophes n’ont pas été en reste : de Sartre à Derrida en passant par Foucault, de Jean-François Lyotard à Jean-Luc Nancy ou Michel Onfray, certains ont donné de grands textes pour Derrière le miroir. Celui que Bernard-Henri Lévy livre ici prend la forme d’une lettre à Olivier Kaeppelin. Le curator invité y étaye son projet d’itinéraire. Un plan de l’exposition qui s’articule en six « stations » : « La fatalité des ombres », « Connaissance du deuxième genre », « La voie royale », « Contre-Etre », etc. L’emprunt au vocabulaire christologique - les stations sont les différents épisodes du chemin de croix - n’est pas tout à fait fortuit. On a bien affaire à l’expérience de l’incarnation de l’idée - une « vérité » médiatisée par la matière picturale.

Bien plus que des didascalies précises, il s’agit d’une définition de l’exposition : au-delà de la monstration de chefs-d’œuvre, de la mise en espace d’une vision. Bernard-Henri Lévy conçoit « un accrochage comme un montage ».« Un accrochage qui se posera, en fin de compte, les mêmes questions que se pose un réalisateur quand il se trouve à sa table de montage ». Des Philosophes de Joan Miró à la Pietà de Michel-Ange détournée par l’artiste belge contemporain Jan Fabre, du classique Saint Luc peignant la Vierge de Pierre Mignard (la parfaite mise en abyme de la peinture) aux abstractions chromatiques de Rothko, aux installations vidéo de l’ultra-contemporain Paul Chan… les voies de ces Aventures de la vérité sont des chemins de traverse qui entrecroisent l’ancien, le moderne et le contemporain. Cette réflexion sur la relation entre peinture - au sens large de « représentation » - et philosophie est une réflexion sur l’art même. A savoir, pour citer Olivier Kaeppelin en réponse à la lettre de Bernard-Henri Lévy, « Ce mouvement “entre-deux? mettant en rapport la réalité et nous-mêmes pour créer “le réel? que nous tentons de représenter, de penser ». Sean J. Rose

(1) « Les aventures de la vérité ». Fondation Marguerite et Aimé Maeght, 06570 Saint-Paul-de-Vence. Du 29 juin au 6 octobre 2013.

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