Avant-critique Manga

Atsushi Kaneko, "Evol. Vol. 1" (Delcourt)

Evol, vol. 1 - Photo © Kaneko Atsushi 2021/Kadokawa Corporation/Delcourt

Atsushi Kaneko, "Evol. Vol. 1" (Delcourt)

Dans un style synthétique entre BD, comics et manga, Atsushi Kaneko s'attaque au mythe du superhéros. Sans prendre de pincettes.

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Par Benjamin Roure
Créé le 23.04.2023 à 11h00 ,
Mis à jour le 24.04.2023 à 11h58

De capes et d'ados. Ils survolent la ville, avec leur cape et leur masque, et luttent inlassablement contre le crime. Quel enfant n'a jamais voulu devenir comme ces superhéros qui veillent sur les honnêtes citoyens ? À grands pouvoirs, grandes responsabilités, dit-on. Que se passerait-il alors si, d'une part, les prétendus justiciers n'étaient que des maniaques corrompus ? Et si, d'autre part, des adolescents en souffrance se retrouvaient en possession de capacités hors norme et n'avaient guère envie de faire le bien avec ? Comme un mélange entre les séries Misfits, Legion et The Boys, elles-mêmes largement influencées par toute une vague de comics des années 2000 surfant sur l'idée de superhéros déviants et en roue libre – concept forgé auparavant par Alan Moore dans Watchmen –, ce nouveau manga d'Atsushi Kaneko (Bambi, Wet Moon, Search and Destroy...) trouve son originalité dans le portrait de ses trois antihéros et dans l'efficacité de sa mise en scène. Ainsi, après un prologue ultraviolent, on suit trois ados en perdition qui vont se dévoiler au fil des pages et des tomes. Harcèlement, violences intrafamiliales, automutilation, leur mal-être les a conduits en hôpital psychiatrique. Là, ils se sont rencontrés, opposés, puis se sont révélé leurs pouvoirs secrets – voler, brûler, perforer – et ont décidé d'en faire quelque chose, ensemble. Avec pour leitmotiv : en finir avec ce monde pourri...

S'ensuit une maladroite quête vengeresse, voire anarchiste, qui voit ces gamins paumés mettre le feu à des magasins et tenter d'échapper à la police et aux vrais justiciers volants, dont on va découvrir l'ignominie dans des séquences parallèles. La grande force d'Atsushi Kaneko est de ménager le suspense tout au long de son intrigue, en alternant séquences spectaculaires et moments plus intimes, où la fragilité et la détresse de ces ados les rendent tour à tour effrayants et touchants. On ne sait toujours pas exactement où il va, mais on le suit sans hésiter, grâce aux promesses de son scénario haletant, et car son dessin aux noirs profonds réussit une belle synthèse entre un certain classicisme européen, des cadrages plus américains et des visions outrancières très japonaises. Un alliage aussi audacieux que précieux.

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