Je m'appelle Nathalie Quintane/Hello, my name is Na-tha-lie-quin-ta-ne/Je suis née le 8.3.64/I was born in 1964, in Paris, France".... Dans cet exercice d'autoportrait bilingue, lu en public à l'occasion de ces lectures-performances qu'elle a beaucoup pratiquées entre 1995 et 2005, la description dérive progressivement vers une traduction de plus en plus fantaisiste, dans un anglais de plus en plus approximatif. Elle est (un peu) comme ça, Nathalie Quintane. Sous le sérieux, l'ironie affleurante. Et ses livres, comme elle, digressifs, polymorphes, plastiques, déroutants au sens littéral. Crâne chaud, douzième titre publié chez P.O.L, son éditeur depuis 1997 après Remarques, paru chez Cheyne, ne fait pas exception : impossible à résumer, impossible à classer. Ni franchement essai, ni vraiment récit. Pas roman non plus. Un peu sociologique, un peu politique, un peu poétique, un peu philosophique. Un texte, disons, tissé de réflexions diverses sur des sujets de société actuels. Le fait est que Nathalie Quintane écrit des choses que l'on ne sait pas bien dans quelle boîte ranger. C'est sans doute pour cela et aussi en raison de ses affinités avec la poésie d'avant-garde et l'art contemporain que le label "expérimental" a souvent été accolé à son travail. Un vrai boulet en fait, cette étiquette-ghetto, "intimidante" pour le lecteur autant que pour l'écrivaine. "Expérimental... qui va vouloir passer derrière ça ?" se désole-t-elle. La réalité est plus simple : "je n'arrive pas à penser si je n'écris pas". "Au démarrage, il n'y a aucun programme. Tout se passe au moment de la mise en forme." Penser-écrire avec ce qu'elle a, sa culture, ses références pointues et variées. Et faire son miel littéraire de tout ça. Exemple dans Crâne chaud, qui invite l'ancienne star du film X reconvertie en sexologue radiophonique, Brigitte Lahaie, aux côtés de Gertrude Stein, Jean Genet, Kant et le cinéma réaliste italien... pour réfléchir au "sentiment sexuel", à la pornographie, aux nouvelles normes de la sexualité de notre temps.

Crâne chaud s'inscrit dans la continuité stylistique de Tomates, publié en 2010, qui, pour aller vite, évoque "l'affaire de Tarnac" et la figure de Julien Coupat, et dans lequel l'écrivaine estime avoir franchi une étape. "J'avais essayé de tresser en écho, le plus étroitement possible, des choses éparses en associant au moins deux formes, l'essai critique et la narration par bribes." Elle reprend le même projet dans ce dernier livre dont le fil rouge est donc ici Brigitte Lahaie dans son émission quotidienne sur RMC, où, entourée d'experts, l'ancienne actrice écoute et conseille les auditeurs. "C'est moins le personnage en tant que tel que sa manière de faire que je cherche à comprendre et à adapter." La voix, ou voie, de Brigitte Lahaie comme "ligne" esthétique et politique à suivre. "J'essaie de m'approcher de sa position qui me semble démocratiquement exemplaire. Et juste." Passé cette "porte d'entrée », l'écrivaine tricote dialogues imaginaires, retranscriptions, scènes d'apparence autofictives et bibliographie toujours très personnelle.

Enseignante depuis vingt-cinq ans

Nathalie Quintane est une lente, dit-elle. Elle s'est mise à écrire à presque 30 ans, autour du milieu des années 1990, à la faveur d'une rencontre avec deux complices, Christophe Tarkos et Stéphane Bérard, avec qui, après avoir créé la revue de poésie RR, elle a poursuivi un long compagnonnage créatif, participant, entre autres, comme interprète, aux films du second, dont Mortinsteinck qui a à son tour inspiré un livre en 1999...

Il lui a fallu aussi du temps pour trouver un vrai plaisir dans l'activité qui la nourrit : enseigner. Un métier qu'elle exerce depuis vingt-cinq ans, ayant débuté très jeune, poussée par l'urgence de gagner sa vie. Ce n'est qu'après une quinzaine d'années à fréquenter des élèves adolescents que Madame Quintane, professeur de français en collège, a commencé à apprécier l'exercice. "Est venu de là, apparu dans l'écriture à partir de Tomates, un réel désir de pédagogie, de transmission." Et puis ce poste stable l'affranchit : "Je ne suis pas dépendante de ce que j'écris. Ce salaire m'a permis de dire non." Soit : faire le tri dans les propositions et les commandes, ralentir le rythme des lectures publiques, rester disponible pour des excursions vers de nouvelles formes, continuer à penser sans contraintes ce qui se présente... Elle résume : "Je suis une auberge espagnole."

Crâne chaud, Nathalie Quintane (P.O.L), ISBN : 978-2-8180-1685-5, 14,50 euros, sortie le 11 octobre.

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