Avant-portrait

Matthieu Garrigou-Lagrange, «Le brutaliste» (L'Olivier) : L'amoureux des formes

Matthieu Garrigou-Lagrange - Photo © Patrice Normand

Matthieu Garrigou-Lagrange, «Le brutaliste» (L'Olivier) : L'amoureux des formes

Matthieu Garrigou-Lagrange, journaliste et animateur à France Culture, publie son deuxième roman, consacré à sa passion de l'architecture et de sa ville d'adoption, Lisbonne. Tirage à 3500 exemplaires.

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Par Olivier Mony,
Créé le 31.03.2021 à 14h30

Enfant, Matthieu Garrigou-Lagrange voulait être architecte ou designer. D'une certaine façon, celui qui est aujourd'hui l'une des grandes voix de France Culture (grâce à son émission sur notre patrimoine littéraire, La compagnie des auteurs, qui en est aujourd'hui, avec un succès d'audience qui ne se dément pas, à sa sixième saison), dit l'être pourtant devenu. « Je me suis toujours demandé pourquoi est-ce qu'on aime une forme. Or, la radio, c'est en quelque sorte aussi du design, c'est la mise en forme d'un dialogue. Une question de mise en scène qui se pose aussi à l'architecte. » C'est autour de ces questions aussi que « tourne » son deuxième roman (près de seize ans après le premier, Ensuite, avenue d'Auteuil), Le brutaliste, récit pleinement romanesque certes, mais avec un rien d'autofiction et le goût qu'a ce journaliste dans l'âme pour l'enquête.

En l'occurrence, le roman prend ses racines en 2013. L'auteur vient de faire l'acquisition d'un appartement à Lisbonne, sa ville de cœur, découverte lors d'un voyage scolaire alors qu'il n'avait que 15 ans et jamais vraiment quittée depuis. De ses fenêtres, il peut observer les immenses tours des Amoreiras qui ont contribué durant les années 1980 à remodeler le paysage urbain lisboète. Il est peu à peu fasciné par la force pulsionnelle, presque « immature » dit-il, qu'elles dégagent et se passionne pour l'histoire de son concepteur. C'est lui « le brutaliste » du titre, l'architecte portugais Tomás Taveira (même s'il ne le cite jamais nommément). Celui-ci, sommité dans son pays à l'heure de la gouvernance de Mário Soares et d'un parti socialiste tout-puissant, a vu sa carrière voler en éclats lors de la révélation de vidéos « intimes » réalisées à son cabinet avec certaines de ses collaboratrices (pas nécessairement franchement consentantes). Matthieu Garrigou-Lagrange le rencontrera quatre fois, obtenant peu à peu sa confiance. Il en a fait un roman donc, où se révèle sa fascination pour la figure de l'architecte en général, « artiste impur » par excellence selon lui, car lié par définition au monde de l'argent.
 

Pour cet enfant de Brest rejoignant à l'adolescence son Sud-Ouest originel (sa famille est bordelaise) et plus précisément La Rochelle, fils d'un père universitaire, l'art, ce sera donc d'abord la littérature. Celle qu'il découvre jeune homme en lisant Larbaud ou les nouvelles de Morand. « J'ai toujours été assez fasciné par les petites formes attirantes. »Il s'oriente quand même vers le journalisme, puis Sciences-Po à Lyon. Il découvre le métier sur l'antenne locale de Radio France La Rochelle ou au sein de la rédaction de Sud Ouest, mais cède vite à la tentation parisienne et à celle de la Maison Ronde. Il réalise d'abord des piges à France Culture. Embauché, il gagne rapidement, via une Grande traversée consacrée à Mauriac, l'émission Une vie, une œuvre et une autre musicale, ses galons de spécialiste du patrimoine culturel. Mais Lisbonne reste toujours là ; le plaisir, dit-il, de quitter la radio pour rejoindre l'aéroport d'Orly qui l'y ramène régulièrement. Et aussi, ici et ailleurs, de lire et relire les auteurs qui l'accompagnent sans cesse, Capote, Carrère, Despentes, McInerney ou Fitzgerald. Un certain paysage mental à l'image de son élégance discrète et précieuse.

Matthieu Garrigou-Lagrange
Le brutaliste
Éditions de l’Olivier
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 18 € ; 250 p.
ISBN: 9782823617092

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