Bibliothèques sans frontières

Augustin Trapenard : « Les bibliothèques changent le monde »

Augustin Trapenard - Photo Olivier Dion

Augustin Trapenard : « Les bibliothèques changent le monde »

Bibliothèques sans frontières (BSF) fête ses 15 ans. Le but de l'ONG : donner aux personnes les plus vulnérables les moyens de s’éduquer et de s’informer. Son parrain, Augustin Trapenard, témoigne de son expérience au sein de l’association... et revient aussi sur ses premiers mois à La Grande Librairie.

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Par Fanny Guyomard,
Créé le 07.12.2022 à 18h52 ,
Mis à jour le 08.12.2022 à 10h50

Permettre aux écoles, associations et universités africaines ou haïtiennes qui bénéficient des dons de livres de choisir elles-mêmes leurs ouvrages. Tel était l’objectif que s'est fixé l’historien Patrick Weil lorsqu’il a créé l’association Bibliothèques sans frontières (BSF) en 2007. Quinze ans plus tard, l'ONG compte 170 salariés, des projets dans trente pays et 160 médiathèques mobiles autonomes en énergie, les Ideas Box, déployées notamment en Ukraine.

Le journaliste et animateur de La Grande Librairie Augustin Trapenard fête lui ses cinq ans en tant que parrain de l'association, et a pour l'occasion répondu à nos questions. 

Livres Hebdo : Comment a démarré votre collaboration avec Bibliothèques sans frontières ?

Augustin Trapenard : Quand Patrick Weil et le directeur Jérémy Lachal m’ont demandé d’entrer à BSF, j’ai voulu mieux connaître l’association. Je suis donc parti sur le terrain… et ça a changé ma vie. Cette cinquantaine de voyages m'a fait me rendre compte à quel point la culture change le monde et doit être reconnue comme un droit fondamental.

Mon premier voyage était dans un centre d’accueil de réfugiés en Italie, à Palerme, où BSF avait installé une Ideas box. Deux hommes à peine majeurs avaient fait un voyage éprouvant depuis l’Afrique, et ils demandaient non pas des livres dans leur langue maternelle comme on le leur proposait, mais en italien, pour s’intégrer. Nous avons donc changé le contenu de cette bibliothèque, et j’ai pu me rendre compte de l’adaptabilité de cette ONG. Chaque contenu est unique et pensé pour les populations bénéficiaires.

Un autre voyage en Colombie m’a marqué. Dans le cadre de la réconciliation entre le gouvernement et les Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie), a été créé un réseau national de bibliothèques dans des zones clés ! J’ai pu me rendre dans une de ces bibliothèques pour la paix qui avait été prise en charge par la population locale, et elle était devenue le centre névralgique du village, un lieu de convivialité et de partage.

Troisième exemple (mais j’en ai beaucoup d’autres !) au Burundi. L’objectif est de rescolariser des enfants des rues, grâce à une bibliothèque qui ne fonctionne pas seulement grâce aux livres, ordinateurs, jeux de société, mais aussi grâce aux médiateurs locaux. Ils ont été enfants des rues eux-mêmes et nous aident à aller chercher ces enfants. C’est la grande force de frappe de BSF : s’appuyer sur la population locale qui connaît bien nos bénéficiaires.

Augustin Trapenard auprès de femmes rohingyas, au Bangladesh, pour Bibliothèques Sans Frontières.
Augustin Trapenard auprès de femmes rohingyas, au Bangladesh, pour Bibliothèques Sans Frontières.- Photo BSF

Vous vous êtes fixé comme objectif la lutte contre les violences sexuelles. Quels sont vos leviers d’action ?

Dans les zones où le patriarcat est ancré, au Moyen-Orient comme en France (un tiers des programmes de BSF sont implantés en France), nous proposons des contenus qui enseignent ce qui se joue en termes de violences sexistes et sexuelles. La mission de BSF est d’aider les populations les plus vulnérables à accéder à la culture mais aussi à l’éducation et à l’information.

Que permettent vos outils numériques ?

Le numérique fait partie de l’ADN de Bibliothèques sans frontières. L’une de nos Ideas Box s’est par exemple promenée dans les zones blanches de la France entière, pour se battre contre l’illectronisme. En Belgique, on faisait des petits-déjeuners avec des personnes âgées pour qu’elles puissent s’adapter à ces usages.

Mais il y a dans toutes nos bibliothèques des livres physiques. L’objet livre est un objet de résistance, qui dure. Patrick Weil donne souvent cet exemple : si un dictateur veut contraindre une population, il lui est assez facile de couper internet ; il lui est beaucoup plus difficile de brûler les livres.

Vous avez repris à la rentrée sur France 5 La Grande Librairie, émission présentée par François Busnel pendant quatorze ans. Quel bilan faites-vous de vos premiers mois ?

C’est merveilleux, c’était le rêve de ma vie ! J’ai été élevé à Apostrophes et Bouillon de culture [talk-shows littéraires diffusés sur Antenne 2 puis France 2, ndlr] et je rêvais de perpétuer cette tradition unique au monde d’une émission en prime time entièrement dédiée à la littérature, et sur une chaîne de service public. En étant attaché à une programmation égalitaire, avec beaucoup de femmes invitées.

Je suis très heureux de garder l’ADN de ce qu’a fondé François Busnel : la prescription auprès des libraires, le partage de la parole d’écrivains qui ont quelque chose à dire sur le monde… Mais aussi de rendre compte du paysage littéraire français dans son ensemble, notamment les littératures de l’imaginaire et adolescentes – Yves Grevet sera mon invité ce soir pour son livre Ursina (Glénat). Et j’aimerais un jour accueillir un mangaka !

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