Avant-critique Roman noir

Inquisition 2.0. L'absence selon Camille clôt une passionnante trilogie inaugurée en 2019 par La transparence selon Irina et poursuivie en 2021 par leur préquel commun intitulé Le silence selon Manon. Dans un futur proche à quelques encablures d'aujourd'hui, chacun est tenu à une exhibition totale de sa vie numérique et n'a que de rares droits à l'intimité dans le monde réel. Au prétexte d'annihiler la délinquance, la pollution, les déviances ou la corruption, puisque toute la société sait tout d'autrui, de sa consommation à sa santé, le garrot se resserre sur une civilisation déshumanisée. Seuls quelques illuminés, les Obscuranets, prônent un retour à l'anonymat et à la vie privée, émaillant leur alternative rebelle de coups d'éclat plus ou moins violents. Si ce troisième volet convoque des personnages présents dans les épisodes précédents, il est une entité dont les réflexions font mouche une fois encore. Internet tyrannique, intelligence artificielle, accoutumance digitale : Benjamin Fogel donne corps à nos craintes de lendemains dématérialisés. Calligraphiées sans exubérance, sa connaissance pointue du sujet informatique et sa sobre utilisation de la paranoïa décuplent nos peurs et la crédibilité de son propos. Alors, lorsqu'un graffiti récurrent apparaît sur les murs de Paris, affirmant que « malgré la transparence, on vous ment », nous prenons le sillage des commissaires Mille, père et fille, pour une enquête dont nous ne dirons rien, tant que notre monde nous permet encore quelques cachotteries.

Benjamin Fogel
L'absence selon Camille
Rivages
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 22 € ; 400 p.
ISBN: 9782743662400

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