Transition bibliographique

Bibliothèque : le chantier des données

Le siège de l'Abes, à Montpellier. - Photo Abes

Bibliothèque : le chantier des données

Les bibliothèques adoptent progressivement de nouvelles normes de description des données bibliographiques. Un enjeu essentiel pour leur rayonnement sur le Web, et plus largement pour les professions du livre. _ par Véronique Heurtematte

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Par Véronique Heurtematte,
Créé le 05.11.2018 à 16h09

Le 6 novembre, la Bibliothèque nationale de France accueillera une journée professionnelle intitulée « Prenez le train de la transition bibliographique » (1). Sous le clin d'œil ferroviaire se cache un processus qui est une véritable révolution pour les bibliothèques : la transformation en profondeur de la manière de décrire les données. Cette démarche, qui s'inscrit dans un mouvement mondial, entend rendre toutes les données interopérables, quelle que soit leur provenance.

BNF, site François-Mitterrand, à Paris- Photo BNF.

Lancé en novembre 2015, le programme national Transition bibliographique est chargé, sous l'égide de la BNF et de l'Agence bibliographique de l'enseignement supérieur (Abes), de conduire ce changement en France. Les trois groupes de travail qui le constituent ont pour missions l'adoption d'un nouveau code de catalogage permettant la mise en œuvre de ce nouveau mode de description, baptisé RDA-FR, version française du code adopté à l'échelle internationale, l'accompagnement des bibliothèques et des fournisseurs de logiciels, impactés au premier chef par cette mutation, ainsi que la sensibilisation et la formation des professionnels des bibliothèques.

Le principal chantier, énorme, s'étalera sur plusieurs années. Il s'agit de mettre en conformité des catalogues de bibliothèques avec ces nouveaux modèles de description. La BNF et l'Abes, opérateurs nationaux dans la fourniture de notices auprès des bibliothèques françaises, ont entamé depuis 2014 la conversion de leurs catalogues. Le processus de conversion des catalogues, appelé « FRBérisation », conduit à s'extraire de la logique de document pour aller vers une logique de fourniture d'information. Les notices d'œuvres, par exemple, permettent de rassembler derrière une entrée unique toutes les versions et éditions de cette œuvre.

Lancé en avril, le logiciel Bibliostratus, développé par le groupe Système et données du programme Transition bibliographique, aide les bibliothèques à aligner leurs catalogues avec ceux des deux agences nationales. Quand ces dernières auront achevé la conversion dans quelques années, les bibliothèques qui n'auront pas accompli le travail sur leurs catalogues ne pourront plus récupérer leurs notices. « La transition -bibliographique, c'est un train à prendre, résume François Pichenot, chargé de ce dossier à la médiathèque de Roubaix. Plus on attend, plus ce sera compliqué ».

Le retour en force
de la donnée

Passé au second plan dans les préoccupations des professionnels des bibliothèques au profit de la médiation et du service à l'usager (les principales formations ne prévoient plus ou quasiment plus de cours de catalogue), le traitement technique des données reprend avec la transition bibliographique une place centrale. « La transition bibliographique redonne de l'importance à la bibliographie, explique Gilles Gudin de Vallerin, directeur du réseau des médiathèques de Montpellier Méditerranée Métropole, qui a entamé le processus d'alignement de ses notices. C'est un retour au cœur de métier, mais avec les outils d'aujourd'hui. Cette transformation va donner de la cohérence aux catalogues, en particulier les plus anciens, constitués de plusieurs stratifications, fiches scannées, notices récupérées auprès de la BNF ou de fournisseurs commerciaux. » Pour Claire Belhadi-Chavanne, membre du groupe régional Paca de l'Association des bibliothécaires de France, très investie dans la transition bibliographique, le retour à la qualité des données est un enjeu essentiel : « A partir des années 2000, on a catalogué en masse sans trop se soucier de la qualité. La FRBérisation des catalogues nous oblige à revenir à des notices de qualité. »

Renaud Aioutz- Photo LOÏC TRUJILLO

Cette nouvelle manière de penser les données s'inscrit également dans une logique interprofessionnelle inédite. « Cela prend en compte l'écosystème complet du livre et ses acteurs, bibliothécaires, libraires, éditeurs, confirme Renaud Aioutz, chef de projet Système d'information à la médiathèque départementale du Puy-de-Dôme et -pilote du groupe Systèmes et données du programme Transition bibliographique. Les flux des éditeurs, par exemple, sont très riches. Il faut qu'on puisse y accéder sans avoir à tout ressaisir. Mutualiser le travail correspond aussi à une problématique de politiques publiques. Aujourd'hui, on est de plus en plus amenés à devoir faire aussi bien, voire mieux, avec des moyens en baisse. »

Visibilité des collections

Pour les bibliothèques, le principal enjeu est la visibilité de leurs collections et de leurs métadonnées sur le Web. « Cela ouvrira l'accès à de nombreux fonds très riches qui ne sont pas visibles actuellement. Cela va mettre en valeur nos patrimoines documentaires et stimuler la recherche », prédit Claire Belhadi-Chavanne, tandis que Renaud Aioutz insiste sur l'amélioration du service aux usagers. « Il faut garder à l'esprit que les lecteurs utilisent majoritairement les moteurs de recherche et ne consultent que très peu directement nos catalogues, souligne le jeune professionnel. Rendre nos données compatibles avec le Web, c'est améliorer le service aux utilisateurs. »

La conversion des données constitue également un enjeu de leadership pour les bibliothèques. « La transition bibliographique a permis de montrer que les bibliothécaires travaillent avec des normes et des outils qui peuvent intéresser d'autres communautés professionnelles, et qu'ils possèdent des compétences intéressantes à partager, souligne Renaud Aioutz. Par exemple, Google a adopté au début de l'année l'International Standard Name Identifier pour sa plateforme Youtube. Nous avons tout intérêt à ce que nos standards soient partagés plutôt que circonscrits à notre univers. L'adoption généralisée de ces normes, cela veut dire des recherches facilitées et plus de leadership pour nous. »

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