7 septembre > BD France > Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil

Sept ans après son magistral et très personnel Portugal (Dupuis), trois ans après le recueil également intimiste à défaut d’être autobiographique Les équinoxes (Dupuis également), Cyril Pedrosa change encore de registre pour un projet tout aussi ambitieux, dont Roxanne Moreil cosigne le scénario. L’âge d’or, fantaisie médiévale violente et haute en couleur, peut se lire sur plusieurs niveaux: aventure, quête, récit initiatique et surtout fable politique. Lutte des classes et lutte des sexes s’y croisent jusqu’à faire de ce roman graphique l’un des plus engagés que le genre de la fantasy a produits depuis son explosion il y a vingt ans. On regrettera juste que ne nous en soit pour l’instant livrée, certes sur 232 pages, que la première partie.

La disette règne dans le royaume de Lantrevers, que la longue agonie du roi Rohan a abandonné aux manœuvres et aux malversations des vassaux et conseillers parmi lesquels le redoutable Vandémont. Le roi est mort désormais. Sa fille aînée, Tilda, s’apprête à lui succéder quand un complot mené par son frère la contraint à la fuite. La voilà sur les chemins boueux, dans des forêts inquiétantes, seulement accompagnée de deux fidèles, le gentil et costaud seigneur Tankred et Bertil, un subtil jeune homme pour lequel elle en pince malgré leur différence de condition. D’abord réfugiés dans un étonnant phalanstère féminin et féministe, puis de manière précaire chez un compagnon d’armes de Rohan affaibli et aveugle, les trois voyageurs partent en quête d’un mystérieux trésor caché dans le tombeau des premiers rois d’Ohman.

Le récit est parcouru par une légende - il y aurait eu un "âge d’or", où les hommes vivaient libres dans un monde sans frontières - et une réalité - la révolte gronde parmi les manants, attisée par la famine et par Hellier, un révolutionnaire qui professe à Ohman un monde plus juste. Cyril Pedrosa donne de ces enchevêtrements de trajectoires et d’enjeux une représentation flamboyante. Ses planches, sous-tendues par un trait très fin, superposent couleurs et tons. Approfondissant ses recherches de transparences déjà appliquées dans Les équinoxes, il module son découpage, consacrant deux pages à un seul dessin ou une seule à cinq ou six. Avec lui, tout - hommes, nature, éléments, atmosphère - est en mouvement dans un festival de couleurs éminemment onirique. Fabrice Piault

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