« Puissant ! »

« Un délice irrésistible ! » Les mots rutilent sur le troisième tiers de la couverture de Mon mari, de Maud Ventura. D'autant qu'un patronyme, sur le bandeau qui barre ce premier roman paru en août à L'Iconoclaste, vient asseoir définitivement leur légitimé : Amélie Nothomb. « Maud Ventura et Amélie Nothomb ont participé à une rencontre au salon Le livre sur les quais, à Morges, raconte l'éditrice Sylvie Gracia. Quand nous avons su qu'elle avait aimé le titre, nous lui avons envoyé une petite lettre chez Albin Michel en lui demandant si elle acceptait de rédiger une phrase ou deux. » Tout à fait courant aux États-Unis, le « blurb » (« notice publicitaire », selon le dictionnaire), qui consiste à afficher en bandeau ou en quatrième de couverture une courte critique dithyrambique d'un écrivain connu sur le livre d'un auteur qui l'est moins, n'est pas encore systématique sous nos latitudes, mais il se démocratise.

Florian Lafani, directeur éditorial de Fleuve éditions, voit dans le blurb un bon moyen de « créer de l'aspérité » sur une table de librairie.- Photo OLIVIER DION

En 2011, L'Express racontait comment les agents d'auteurs avaient popularisé cette pratique outre-Atlantique, listant même quelques serial blurbeurs, Stephen King, Jim Harrison, Harlan Coben. À l'époque, Anna Gavalda était l'une des rares Françaises à avoir blurbé - « Absolument délicieux » - en couverture du Cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates, d'Annie Barrows et Mary Ann Shaffer (Nil éditions). Dix ans plus tard, les éditeurs français s'y sont mis.

Déjà, pour la littérature étrangère « c'est facile, les blurbs existent déjà », note Florian Lafani, directeur éditorial de Fleuve éditions, qui voit dans le blurb un bon moyen de « créer de l'aspérité » sur une table de librairie. Les domaines français ne sont pas en reste. « Nous demandons régulièrement des blurbs, depuis la création de la maison et pour l'ensemble des champs éditoriaux », explique Danaé Tourrand-Viciana, directrice éditoriale essais, littérature et documents chez Leduc. « En non-fiction, il y a un enjeu de légitimité. Un auteur reconnu dans son domaine atteste du "sérieux" du livre présenté. Tandis qu'en fiction, c'est une façon d'aider les lecteurs à positionner le roman en leur donnant des indices sur son genre littéraire ».

Tatiana de Rosnay a ainsi accepté de recevoir en lecture Le parfum de l'exil, d'Ondine Khayat (Charleston, 2021), un premier roman qui parle du génocide arménien, de secrets de famille et des traumatismes qui se transmettent de génération en génération. Des thèmes chers à l'autrice d'Elle s'appelait Sarah, qui a salué « un roman subtil et puissant, qui laisse un sillage inoubliable ».

Visibilité partagée

Adjectifs courts et percutants, vocabulaire de l'émotion, on aurait pu croire ces micro-critiques réservées aux maisons les plus commerciales. Mais sur le dernier ouvrage de l'Espagnol Gabi Martinez, Animaux invisibles, paru en août aux éditions du Pommier, figure une citation de Mathias Enard, « Un écrivain hors du commun [...] à lire de toute urgence ! ». « Ce n'était pas une habitude avant que j'arrive, mais l'agent de Gabi Martinez m'a signalé ce blurb pour attirer mon attention, et cela a marché. Cela peut aider à mieux identifier notre petite ligne de récits de voyage », observe Julien Brocard, directeur éditorial depuis deux ans, qui a récemment demandé un petit mot au sociologue Bruno Latour pour un projet qui verra le jour dans quelques mois.

Contrairement à Sylvie Gracia, qui préfère solliciter des auteurs publiés ailleurs, « sinon, ce serait un peu ridicule », Julien Brocard ne verrait aucun inconvénient à contacter des écrivains du Pommier pour ses futurs livres : « une maison, c'est un écosystème, une famille », juge-t-il. En tout état de cause, aucun de ces services, voire renvoi d'ascenseur n'est rémunéré pour les auteurs qui s'y prêtent. Pas plus que pour les journalistes, ou blogueurs, dont une citation se retrouve souvent en première ou quatrième de couverture. Si les éditeurs attendent généralement les premières critiques dans la presse pour imprimer ou réimprimer une bande, « il arrive que l'on demande un extrait avant parution », souligne Sylvie Gracia. L'Iconoclaste a ainsi contacté la rédaction des Inrockuptibles pour savoir s'il était possible de publier un passage de la chronique de Léonard Billot sur Ne t'arrête pas de courir, de Mathieu Palain, « car nous savions qu'il l'avait aimé ».

« Cela reste très rare », objecte néanmoins la responsable des pages livres du mensuel, Nelly Kaprièlian, « c'est arrivé une fois ou deux fois en vingt ans ». De moins en moins rarement, en revanche, les citations de libraires concurrencent celles d'auteurs ou de journalistes sur les ouvrages.

Là encore, l'avis est sollicité en amont de la publication, « à partir des épreuves, et quand on commence à avoir des retours positifs », indique Florian Lafani, qui a agrémenté Le fracas et le silence, de Cory Anderson, de deux blurbs signés Jérôme Pitt du Furet du Nord (Lille), et Sonia Petit de la librairie Ici (Paris, 2e). « La visibilité est partagée, et c'est un échange plus éditorial que commercial », affirme l'éditeur.

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