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Livres Hebdo - Vous venez d'être nommé président de la Conférence des directeurs des bibliothèques nationales européennes (CENL) et président d'Europeana. Qu'est-ce que cela signifie pour la BNF ?

Photo OLIVIER DION

Bruno Racine - La CENL est une association qui compte à l'échelle européenne et dont le président peut être sollicité dans les débats à Bruxelles. Europeana est le portail d'accès aux richesses numérisées des archives, bibliothèques, musées, archives audiovisuelles de 33 pays européens. Ce projet ambitieux a des atouts, mais encore des fragilités. Outre le nombre de documents accessibles (20 millions à ce jour), il s'agit d'améliorer l'ergonomie, le multilinguisme, la notoriété... La fréquentation reste modeste. Les moyens financiers alloués par Bruxelles à la numérisation sont peu importants, et aujourd'hui les programmes financés par Google dans toute l'Europe constituent la principale source dans le domaine du livre. Mon élection est la reconnaissance du rôle pionnier que la France, et la BNF en particulier, joue dans ce domaine.

Google fait partie des entreprises qui ont répondu à l'appel à partenariats privés que vous avez lancé dans le cadre du grand emprunt pour des programmes de numérisation de Gallica. Quelle est la réponse de la BNF ?

Quatorze entreprises dont des entreprises françaises innovantes ont répondu à cet appel, lancé avec Frédéric Mitterrand et René Ricol en juillet. Nous sommes en train d'examiner les dossiers et nous allons créer une filiale pour gérer ces partenariats. Sept entreprises ont répondu à un autre appel sur la conservation des données numériques. L'Europe encourageant les partenariats public-privé, l'expérience va être regardée avec intérêt par nos voisins. De l'argent public sera apporté par le dispositif des investissements d'avenir, alors que les accords passés jusque-là avec Google ou d'autres partenaires privés étaient un moyen de pallier l'absence de financement public. Nos programmes sont élaborés dans la transparence et sans monopole pour qui que ce soit.

Vous avez également signé un contrat avec Amazon pour l'impression à la demande de documents disponibles sur Gallica.

Selon la loi de 1978, personne ne peut se voir refuser la réutilisation des données publiques, dans le cadre d'une licence d'exploitation non exclusive qui est la même pour tous. L'impression à la demande des oeuvres hors droits de Gallica entre dans ce champ. Plusieurs entreprises ont signé depuis deux ans avec la BNF, telles que Reprocolor, Edilivre, Jouve ou encore Hachette. Amazon accepte de se plier à ce cadre, ce qui pourrait être intéressant pour répondre à la demande hors de France, mais il n'y a pas d'application concrète à ce stade. L'accord avec Hachette implique les libraires, chez qui les livres pourront être commandés et retirés. L'impression à la demande des oeuvres du domaine public doit pouvoir bénéficier à tous les acteurs de la chaîne du livre. Nous travaillons activement avec le ministère de la Culture et le CNL à ce que la librairie indépendante puisse en bénéficier le plus largement possible.

Dans le domaine du partenariat public-privé a été annoncée une collaboration avec les cinémas MK2 pour créer une nouvelle entrée dans le bâtiment. Les syndicats protestent. Pour eux, ce projet "fait rentrer la BNF dans un processus de prévente à la découpe de son patrimoine" !

Depuis des années, nous cherchons avec Dominique Perrault à créer une entrée plus accessible dans le cadre d'un aménagement global des abords de la BNF. Il nous fallait trouver des partenaires pour financer l'opération. Un premier appel d'offres concerne l'entrée et l'aménagement de volumes destinés dès l'origine à un usage commercial mais inutilisés à ce jour. MK2 propose de prendre en charge pour 7,2 millions d'euros cette nouvelle entrée et d'installer quatre salles de cinéma art et essai qui seront exploitées moyennant redevance pendant trente ans. Un deuxième appel d'offres a pour but de réaliser autour de la nouvelle entrée un ensemble très vivant, avec des cafés, des bouquinistes, etc. La Ville de Paris encourage ce projet d'aménagement urbain.

Qu'en est-il du budget alloué par le ministère de la Culture à la BNF ? Là aussi, les syndicats protestent et dénoncent une "réduction drastique des budgets d'acquisition".

Le budget de 10 millions d'euros baissera de 3 % en 2012 pour les acquisitions courantes. Quant aux acquisitions patrimoniales, le mécénat nous a permis de dégager 14 millions d'euros entre 2009 et 2011, notamment pour les manuscrits de Casanova et les archives de Guy Debord. Notre budget est sous contrainte comme celui de toutes les institutions aujourd'hui, et nous devons repenser certains modes de fonctionnement, mais le ministère de la Culture a tenu compte du fait que la BNF a peu de recettes propres. La subvention sera de 199 millions d'euros en 2012, contre 202 en 2010. Le CNL nous donne 6 millions d'euros pour la numérisation. Nous devons rendre 101 emplois sur un peu plus de 2 450 d'ici à 2013. Dans d'autres pays européens, on enregistre des baisses de subvention de 15 à 30 %, ce qui est beaucoup plus dramatique. La France reste une exception.

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