J'ai écrit mon premier roman à quatorze ans, et j'ai été publié à quarante !" C'est ainsi qu'Erwan Larher résume, non sans humour, son parcours. Celui d'un garçon rock'n'roll qui, plus jeune, ne savait pas vraiment qui il était, ni ce qu'il voulait "faire plus tard", si ce n'est "écrire pour changer le monde". Vaste programme...

Larher est né en 1970 à Clermont-Ferrand, "par hasard", au gré des affectations de son père, un militaire qui a commencé mousse et fini pilote chez Air France. Sa mère, elle, descendante d'une famille mayennaise de "hussards noirs" de la République, était secrétaire. De sa famille, "modeste", où on lui apprend que pour réussir, il faut avant tout bosser, Erwan parle avec tendresse et respect. Enfant "rêveur et solitaire", il écrit des pièces de théâtre puis, à 14 ans, donc, un premier roman "mystique, qui se passait à Montségur". Adolescent, il découvre le punk, monte un groupe de new wave, Charlotte Corday, dont il est le chanteur, puis un autre, Les Déchets, pour qui il écrit la chanson Un jour, j'irai à Morlaix avec toi. On est au milieu des années 1980, il ressemble à Louis Bertignac, et Téléphone vient de raccrocher. Fan de foot, notre ami envisage un temps d'être journaliste sportif. Ou comédien : "mais j'étais trop trouillard", dit-il. Restent les études, brillantes : hypokhâgne, Sciences po Aix, IUFM de lettres à Dijon - la ville où se situe justement son nouveau roman -, puis DESS de gestion des industries culturelles. Ce qui mène à tout et à rien.

Toujours fan de musique, Erwan devient tourneur du groupe suisse Fou, puis entre chez EMI comme chef de produit, passe ensuite chez Mercury. Il s'étourdit, fait de belles rencontres artistiques, tout en sachant que sa vie n'est pas là. "J'écrivais toutes les nuits", dit-il. A ce rythme, il craque. "Je n'en pouvais plus du cynisme, de l'amoralisme du milieu." Il en tirera d'ailleurs une pièce, Show biz, "l'histoire d'un chanteur manipulé qui se prend pour un rebelle", laquelle sera jouée en 2002-2003. En 2001, il démissionne, vit de petits boulots, prend des cours de théâtre, puis connaît une "rupture sentimentale horrible". L'écriture est sa "seule bouée".

Alors il écrit, il enquille les romans, envoie parfois les manuscrits à certains éditeurs, comme Jean-Marc Roberts, le patron de Stock. Encouragements, mais rien de concret. Et enfin, un texte, son cinquième, lui paraît plus abouti, Qu'avez-vous fait de moi ?, qui manque de peu d'être accepté chez Grasset. Dépité, il s'en ouvre à sa "belle-mère de l'époque", la romancière Martine Le Coz qui, après avoir obtenu le prix Renaudot en 2001 pour Céleste, était passée du Rocher chez Michalon. Celle-ci joue les truchements, avec succès. Qu'avez-vous fait de moi ? paraît chez Michalon à la rentrée 2010, est remarqué par la presse (Livres Hebdo ayant allumé le feu), et se vend à 2 000 exemplaires. Erwan Larher est sur un petit nuage : son rêve s'est concrétisé. Le voilà écrivain, qui vit sa passion, enchaîne les salons du livre : "J'adore ça, rencontrer des gens, parce que le plus important, c'est l'humain. Et si un seul lecteur est convaincu par ton travail, alors c'est gagné !" Il poursuit avec Autogénèse, qui sort, chez Michalon toujours, en janvier 2012. Un gros roman étonnant, "bien accueilli malgré son volume". Le Nouvel Observateur le qualifie même de "Millénium biblique et bien écrit", des blogueurs témoignent de leur enthousiasme. "J'ai la faiblesse de penser, confie l'auteur, que c'est un très bon bouquin."

« Accompli ». Mais son éditeur subit d'importantes difficultés. Erwan Larher, malgré sa "façon boulangère de travailler, en laissant reposer la pâte", a un nouveau roman prêt, L'abandon du mâle en milieu hostile. L'histoire d'un jeune bourgeois dijonnais bien conventionnel des années 1980, qui tombe fou amoureux d'une punkette géniale, au point de faire sa vie avec elle, de l'épouser. Elle devient une écrivaine à succès, revendique une part de liberté grandissante. Pour quoi faire ? Lorsqu'il l'apprendra, la vie du narrateur va basculer dans le cauchemar. C'est l'écrivain François Taillandier qui publiera en janvier ce livre atypique, subtilement mené, inaugurant ainsi sa collaboration avec Plon autour de la littérature française.

Erwan Larher, lui, se dit "heureux et accompli". Il songe à monter ses pièces, écrit des scénarios, et Autogénèse 2 : "Le roman se passe plusieurs siècles après le premier. C'est un questionnement sur l'histoire, sur la véracité des événements qu'elle rapporte." Parution possible à la rentrée 2014. Enchaînant les résidences d'écrivain, il est à son fournil chaque matin.

L'abandon du mâle en milieu hostile, Erwan Larher, Plon, 19 euros, ISBN : 978-2-259-22022-4, mise en vente le 3 janvier.

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