ÉDITO par Christine Ferrand, rédactrice en chef

Photo OLIVIER DION

Libération consacre régulièrement sa une à un livre, et on ne s'en plaindra pas. En dédiant celle de mardi dernier à Une semaine de vacances de Christine Angot, qualifié de "chef-d'oeuvre de la rentrée », mais surtout livre glaçant qui décrit minutieusement les pratiques sexuelles d'un père avec sa fille, le journal fait le choix de la polémique. Et de fait, cette saison, la critique n'y va pas de main morte : l'éloge est aussi emphatique que le dézingage est violent.

Après avoir choisi durant des années de ne parler que des livres qu'ils aiment et d'ignorer les autres, les critiques littéraires prennent le parti d'en découdre. La semaine dernière, L'Express a ainsi consacré une page à "Quatre auteurs à éviter », en l'occurrence Jean-Marc Parisis, Philippe Djian, Max Monnehay et Stéphane Zagdanski. L'essentiel de l'argumentation tenait dans des titres tels que "Max Monnehay, comique troupière". Les Inrockuptibles, eux, ont traité, sur une page également, "L'arnaque Florian Zeller et Olivier Adam, écrivains en toc". De même, sur France Inter, la dernière émission consacrée à la littérature du "Masque et la plume", plus coutumière de ces moments de critique au chalumeau, a atteint un sommet dans le dénigrement du roman d'Olivier Adam, Les lisières. "Ce n'est plus Les lisières, c'est le lisier », a-t-on pu entendre, avant de comprendre qu'on reprochait surtout à l'auteur de Je vais bien, ne t'en fais pas de se livrer à "une caricature de la critique parisienne".

Pourquoi cette soudaine rugosité ? Peut-être faut-il y voir la recherche d'une nouvelle crédibilité, alors que le pouvoir de prescription des médias installés est en berne et que la parole a la réputation, à tort ou à raison, d'être plus libre sur Internet. Ce faisant, la critique ne fait jamais que renouer avec une vieille tradition de polémique qui offrait l'avantage de placer la littérature au coeur des débats.

Mais rares sont nos bretteurs d'aujourd'hui à posséder l'élégance cruelle d'un Renaud Matignon qui soupirait, lors d'une précédente rentrée : "Il faut s'y résigner cette année, les bonheurs sont brefs et les romans sont longs."

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