3 octobre > Essai France > Pierre Bayard

La littérature peut-elle prédire l’avenir ? Cette question est bien dans l’esprit de Pierre Bayard, ce psychanalyste qui allonge les livres pour faire parler les lecteurs. Le fil rouge de cette nouvelle étude est constitué par le roman de Morgan Robertson, Futility. Publié en 1898, ce récit raconte Le naufrage du Titan (Corsaire, 2000), un paquebot qui heurte un iceberg quatorze ans avant celui bien réel du Titanic.

Pierre Bayard repère d’autres prédictions chez Poe, Verne, Kafka, Tom Clancy, Frankétienne ou Houellebecq qui dans Plateforme décrit en 2001 un attentat qui ressemble à celui qui se produira à Bali en 2002. Que tirer de ces étranges similitudes ? Que l’avenir est pour une part écrit dans ce que nous lisons ? Qu’il existe des univers parallèles comme le suggère la physique quantique et que le temps ne s’écoule pas à la même vitesse pour les esprits capables de le saisir comme on capture un papillon ?

Pierre Bayard circule avec malice dans ces interrogations. La littérature n’est plus envisagée par lui comme territoire du je, mais comme aire de jeux, d’hypothèses et de conjugaisons nouvelles. Il prend systématiquement les textes par l’autre bout, convoque la fin avant le début.

Le Titanic fera naufrage est le dernier volume d’une trilogie commencée avec Demain est écrit (Minuit, 2005) où il était déjà question de Kafka anticipateur des régimes totalitaires et Le plagiat par anticipation (Minuit, 2009) dans lequel il envisageait que Sophocle ait pu être influencé par Freud. Avec son humour pince-sans-rire, Pierre Bayard explique que la littérature est une chose trop sérieuse pour la laisser aux écrivains. Les professeurs aussi doivent s’en saisir, à condition qu’ils soient espiègles. La littérature comme diseuse de bonne aventure ? Après tout, c’est futé. Pierre Bayard laisse planer le doute. En filigrane, il laisse entendre que si la littérature ne prévoit pas l’avenir, il est difficile d’envisager l’avenir sans elle. Laurent Lemire

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