17 août > Premier Roman France > Paul-Bernard Moracchini

C’est un endroit qui ressemble à la Corse de l’intérieur, mais le récit ne le précise pas. On sait simplement que le primo-romancier Paul-Bernard Moracchini vient de là. Fils de cette île, de ces vraies montagnes, de ces châtaigniers et de ces chênes verts, de ces ronciers inextricables et de ces forêts odorantes dont le narrateur de La fuite répond à l’appel. Le roman raconte à la première personne la retraite volontaire d’un jeune homme aigri. "Singe désorienté", "haltérophile camé", exaspéré de sa vie d’excès et d’avidité qui en tentant d’échapper au sort commun retourne aux origines.

Equipé d’un seul sac, de vivres achetés au dernier hameau habité, d’un fusil et de munitions pour tenir un siège, il gagne au début de l’automne une cabane d’altitude à l’écart de tout et de tous, son "refuge des cimes". Il y organise une vie spartiate dans un confort minimal, solitaire flanqué d’un vieux griffon Korthals blessé, rencontré au cours de l’ascension. Et "la nature pour compagne érotique". Un quotidien de trappeur plus que de sage méditatif car cette fuite est une chasse, rythmée de traque plus que de contemplation. L’ermite n’est pas Thoreau à Walden. Tout est plus extrême, plus sauvage, plus primitif. Le gibier - le sanglier dont il tanne la peau et sale la viande, les pigeons ramiers à la passée, rôtis le jour même, "Maître Lièvre"…- est élevé au rang mythologique. Dans ses rêves fantastiques, il croise un "Homme Arbre coiffé comme un vieux cerf dix-huit cors".

Deux mois passent et l’hiver s’annonce, ses premières neiges, et la "transe comateuse" des premiers jours se mue en hallucinations lyriques, auquel fait écho la prose enfiévrée et sanguine de ce musicien interprète de 29 ans, lauréat du prix du Jeune Ecrivain 2015. "Reste-t-on homme lorsque l’on n’a plus personne à qui se mesurer ?" se demande son héros jusqu’au-boutiste. Pas sûr. V. R.

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