18 février > roman Afrique du Sud

"Parfois, quelques mots suffisent… à révéler qui on est." Craig Higginson sait bâtir une trame, composée de drames, d’amours et de silences. Ce quadra sud-africain est admiré par ses pairs, André Brink et Nadine Gordimer. Installé à Johannesburg, il y dirige un théâtre. Cela se sent dans son écriture polyphonique, à la touche scénique, tant il modifie les angles dès qu’un personnage prend la parole. Plus on avance, plus se dévoile la face cachée de chacun.

"Le passé ne pèse pas grand-chose au bout du compte, n’est-ce pas ?" Patricia doit pourtant plonger dans "les cartons originels" de ses souvenirs, alors même que son mari, Richard, a la maladie d’Alzheimer. Le couple s’apprête à quitter sa somptueuse maison. Nichée dans une vallée sud-africaine, ce petit coin de paradis est sur le point de voler en éclats avec le retour de Looksmart. "Il se disait qu’il viendrait ici par nostalgie d’une époque où il pouvait haïr." Cet enfant zoulou a été chéri par la maîtresse de maison, qui rêvait de lui offrir une bonne éducation, mais l’ombre de Grace plane sur les lieux. Un prénom dérangeant, associé aux tabous, aux secrets et aux regrets. Elle était la femme que Looksmart aimait, or sa mort a été rapidement balayée.

Le roman parle délicatement "de ce qui a toujours fait peur : la vérité". Le masque des apparences se fissure… "Je sais ce que c’est. De mourir en silence", avoue Patricia. Les langues se délient enfin, mais elles ne diluent pas le chagrin. Très bien construit, le roman remue les failles humaines sur une terre qui porte les stigmates des inégalités raciales. Selon Looksmart, "l’espoir est un drapeau qu’on agite dans un pays qui n’existe pas encore". Craig Higginson conçoit toutefois une rédemption. "On devrait travailler pour obtenir et préserver une vie pleine de grâce." K. E.

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