Culture

En commandant une étude conjointe à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires culturelles, le ministère de la Culture et de la Communication s’est prémuni de l’accusation de lobbying. L’étude agrège l’ensemble des activités culturelles, et évalue la valeur ajoutée en 2011 à 57,8 milliards d'euros, se décomposant ainsi : spectacle vivant (8,8 milliards), patrimoine (8,1), arts visuels (5,7), presse (5,7), livre (5,5), audiovisuel (5,1), publicité (5,1), architecture (4,4), cinéma (3,6), industries de l'image et du son (3,4), ainsi que l’ « accès aux savoirs et à la culture » (bibliothèques, archives...) (2,3).

L’étude a choisi d’adopter une définition large de ces activités « d’une part en étendant le champ des activités spécifiquement culturelles, mais en incluant également des activités indirectement culturelles, qui ne sont pas culturelles en elles-mêmes, mais dont l’activité est intimement et indissociablement liée à l’existence d’activités culturelles (par exemple, le secteur de la construction spécialisé dans la réhabilitation de monuments historiques). »
Fort de cette évaluation l’étude avance que la valeur ajoutée culturelle a représenté « presque autant que le secteur de l'agriculture et les industries alimentaires, deux fois celui des télécommunications (25,5 milliards), sept fois celui de l'industrie automobile (8,6 milliards) ». On est en droit d’être surpris. D’un côté on agrège des activités culturelles hétérogènes (des industries et des activités non lucratives, des biens uniques et des biens reproductibles) et des secteurs très différents, et de l’autre on compare le résultat avec des activités définies de manière stricte. Il faudrait comparer la valeur ajoutée de la culture non pas avec celle de l’industrie automobile par exemple, mais avec l’industrie automobile et les activités qui lui sont liées : construction et entretien des routes, assurance, sécurité routière...

Face à la propension nouvelle à baisser les aides publiques, l’étude souhaite faire le point sur le montant de celles-ci : 13,9 milliards d'euros pour l'Etat (11,6 milliards de crédits budgétaires, 1,4 milliard de dépenses fiscales et 0,9 milliard de taxes affectées à différents organismes de redistribution) et 7,6 milliards environ pour les collectivités territoriales, soit 21,5 milliards d’argent public. Est-ce que le niveau de la valeur ajoutée s’explique par l’importance de l’argent public ? Non, bien sûr, et c’est une autre étude qui serait nécessaire sur ce terrain. Mais il est vrai qu’on entre alors dans un débat difficile, que la polémique récente sur le budget du CNC (Centre national de la cinématographie et de l'image animée) ou sur le déficit du régime des intermittents du spectacle a largement nourri.

Toujours selon l’étude, la culture emploie 670.000 personnes, soit 2,5% de l'emploi total en France. L'emploi culturel se concentre dans le spectacle vivant (150.000 emplois), la publicité (100.000) et la presse (87.000). On reste médusé devant l’inclusion de la publicité dans cette évaluation. A trop souhaiter élargir le périmètre de la culture, on prend le risque de perdre en chemin l’idée d’une singularité qui justifie le soutien public (« le livre n’est pas un bien comme un autre »). Autant la prise en compte d’une part de l’emploi touristique pourrait se justifier, autant celle de 100 000 emplois publicitaires semble plus fragile.

Ces études ont le mérité de rappeler à ceux qui ne le sauraient pas que, pour paraphraser André Malraux, la culture est aussi composée d’industries. Mais la volonté d’élargir le champ peut mener à sa dilution. Au risque de transformer l’exercice en un cheval de Troie contre les aides à la culture. 

Les dernières
actualités