« Parlez FORT ! » Même si l’injonction du directeur du musée de Bogota remonte à plus de trente ans, elle me fait encore rire. J’accompagnais ma chérie en Amérique latine où elle faisait son mémoire de l’école du Louvre sur le rôle du musée dans cette région. Nous avons vu des musées riches et des musées pauvres, des musées où les œuvres principales étaient dans les réserves (un « conservateur » bien nommé se réservant le plaisir d’être   le seul à profiter du génie du Greco), un musée qui s’ouvrait sur un cercueil entouré de deux bougies et recouvert d’un drapeau français ( !). Nous avons croisé des hommes puissants et des hommes brisés comme ce conservateur qui a éclaté en pleurs, il venait juste d’être relâché après avoir été arrêté par une police fasciste pour déviance sexuelle, etc. Mais ce directeur de l’étrange musée de reproductions de Bogota (difficile pour les latinos, à moins d’avoir une fortune, d’aller faire le tour des musées européens, de voir la Joconde, Poussin, Picasso, etc, alors…) voulait par-dessus tout désacraliser l’art. Pourquoi faut-il chuchoter dans un musée comme à l’église ? On pourrait crier de même « Parlez FORT ! » dans une librairie qui, à l’inverse des bibliothèques, ne nécessite pas le silence. Pourtant, respect sacré, on parle à voix basse dans une librairie. Jeudi dernier la file d’attente de fans d’Anna Gavalda a débordé de 16h30 à 21h à la Librairie de Paris, place Clichy. Pourtant personne ne parlait sauf Anna et celui ou celle à qui elle dédicaçait avec son stylo, ses encres de couleurs, son dernier livre : La Consolante . On se serait cru Chapelle Ste-Anna (la Chapelle à Ste-Rita, patronne des causes désespérées n’est pas loin). Mais ces lecteurs-là ont un immense respect pour l’auteur, et je crois que c’est réciproque chez elle. Pour une fois j’ai bien aimé ce silence. J’ai aussi aimé le silence qui accompagnait la première dédicace de Moïra au sortir du théâtre de sourds d’Emmanuelle Laborit dimanche dernier. Pour la dernière représentation des Monologues du vagin devant un public attentif et silencieux tout à fait impressionnant, pas de rires, pas d’applaudissements mais certains gloussements aux moments les plus drôles et des mains qui s’agitent joyeusement à la fin du spectacle comme des marionnettes (les applaudissements en langue des signes). A la sortie, Moïra noue un étrange dialogue avec ces femmes sur son livre. Des regards, des gestes, là encore la pièce d’Eve Ensler réunit des femmes que tout devrait séparer. Dédicaces faites, le mari compte les sous : 5 Aventures de ce fabuleux vagin vendus pour un public de 25 personnes, ça commence bien !   La veille j’étais allé à une autre séance de dédicace dans une libraire que j’ai découvert avec Barbara Constantine ( Allumer le chat continue à y faire un tabac): « L’amandier » à Puteaux. La libraire, une jeune femme pleine d’enthousiasme, Julie, s’est lancée sans filets. Créer une bonne librairie à deux pas du pont de Puteaux dans une rue traversée par des voitures qu’on croirait dans la ligne droite des Hunaudières aux 24h du Mans. Courageuse Julie, comme Samia avec sa librairie L’Ile Lettrée boulevard Magenta entre Barbès et la Gare du Nord. J’aime ces librairies qui poussent comme le chiendent dans des villes de plus en plus inhumaines. Tant que Julie et Samia feront leur trou, il y aura des raisons d’espérer. A l’Amandier j’ai rencontré pour la première fois Didier Daeninckx qui m’impressionnait par son talent ( Cannibale , un bijou ; La repentie magnifique livre saccagé par Adjani au cinéma) et son air sévère sur les photos. Ce prolo au look de mousquetaire est l’homme le plus courtois des hommes, tout de suite nous nous sommes sentis des atomes crochus. Je me suis aussitôt plongé dans Camarades de classe assuré de son amitié en page de garde.   C’est la fête de la musique tous les jours à Paris. Hier soir j’étais au Club Lionel Hampton du Méridien pour Enhco & Co. C’était la deuxième fois que je venais à un concert de ce groupe dont la moyenne d’âge ne dépasse pas 23 ans ! Un ami, Roland Cayrol, que j’ai retrouvé là et qui m’a initié au jazz en 1979 (la nuit même où la centrale nucléaire de Three Mile Island a eu un accident gravissime nous avions assisté à un concert mémorable au Village Vanguard à New York avec une formation de 13 trombones) vient me voir après le deuxième set : « Il y a encore un avenir pour ce vieux jazz avec des petits jeunes comme ça. » C’est vrai qu’ils déménagent les baby-jazzers, c’est vrai aussi qu’ils ont quelques solides gènes musicaux : quand des Casadessus   rencontre un Lockwood avec un Portal (le contrebassiste n’est que l’homonyme de   Michel)…   Pour Noël,   j’avais réclamé les plus beaux des jouets : de la musique vivante. Mes filles m’ont invité quelques mois plus tard à deux concerts également formidables, celui d’Ilena Barnes et celui d’Alela Diane. Je suis devenu le ravi de la Crèche devant la grande africano-indieno-américaine qui est ma voisine parisienne. Une énergie incroyable, une show-woman qui emporte son public dès la deuxième chanson, faisant reprendre à toute la salle un chant indien où chacun rythme la mélodie en frappant du poing sur son cœur. Quant à Alela, chanteuse country californienne elle fait revivre non le folk sirupeux de la fin des années 70 mais le seul, le vrai, celui des militants de gauche qui ont accompagné tout le mouvement ouvrier made in USA. Rien chez elle n’est du domaine de la séduction et pourtant elle subjugue son public comme nulle autre. Pendant que le feu couve ici, qu’éclatent les émeutes de la faim là-bas, comme sur le Titanic l’orchestre continue de jouer ! *** Revue de blogs Toujours pas grand temps de parcourir mes blogs favoris mais j’ai eu la chance d’être alerté par incoldblog d’un débat passionnant sur cequejelis concernant notamment les rapports toujours difficiles entre bloggeurs et critiques « professionnels. Les bloggeurs ont le poil hérissé par certaines critiques du Magazine littéraire et de Libé à leur encontre. Pas si nouveau. Bien que je n’aie pas réussi à organiser le débat que j’espérais au Salon du livre de Paris sur le sujet. Mais les commentaires et témoignages sur ce blog (88 au moment où j’écris ce post) sont réellement passionnants. A ne pas rater : Cequejelis

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