BD/France 10 janvier Michel Rabagliati

Vingt ans que Michel Rabagliati trimballe son double de papier, Paul Rifiorati, à la campagne, dans le métro, à la pêche, à Québec, au parc ou encore dans le Nord. Avec ses recueils autobiographiques plus ou moins fictionnés et délicatement troussés, qui relatent les « petits riens », comme dirait Lewis Trondheim, aussi bien que les faits les plus importants de sa vie, l'auteur montréalais, né en 1961, a fini par faire œuvre. La série éditée depuis l'origine par La Pastèque l'a d'ailleurs propulsé comme l'une des figures emblématiques de la nouvelle bande dessinée québécoise, entre Guy Delisle et Jimmy Beaulieu, avec un double succès critique et commercial : plus de 500 000 exemplaires vendus, dont 100 000 sur le marché francophone européen, pour les huit premiers titres.

Neuvième volume de la série, Paul à la maison saisit le héros dans un point bas. « Faut dire que j'ai le cafard facile », reconnait-il, après quelques verres, page 158. Reste que tout au long de ce récit... automnal, qui retrace des événements survenus en 2012, les désillusions et les mauvaises nouvelles s'enchaînent. Il y a le cancer d'Aline, la mère de Paul, qui connaît une fatale aggravation. Et puis le voisin de Paul, Tonio, dit « le funeste », jardinier compulsif, qui le harcèle avec en plus cet entêtement à parler un mauvais anglais quand il aurait plus de facilité à maîtriser le français étant donné ses origines italiennes.

Le jardin de Paul, lui, se meurt, miroir du cafard de son propriétaire, qui fait la tournée des médecins, notamment pour traiter son apnée du sommeil. Il y a aussi, la fille de Paul, 19 ans, qui le fuit. Son ex, qui ne peut guère le réconforter. Son petit chien Biscuit, qui s'agite en pleine nuit. Et même les employés de banque, qui s'acharnent à le faire tourner en bourrique.

À défaut de trouver son salut dans les sites de rencontre, Paul se régénère dans la contemplation. De son malheur, certes, mais aussi de la vie de ses congénères, du mouvement des saisons ou des infimes mutations de son environnement. Tout l'art de Michel Rabagliati tient dans sa manière de documenter le quotidien, des mœurs d'un oiseau migrateur, en l'occurrence le Bihoreau gris, ou Héron Bihoreau, à la société québécoise des années 1950-1960, ou à la technique d'implant de son dentiste.

Avec un découpage très classique de ses pages en gaufrier, généralement de six ou neuf cases, l'auteur se révèle en poète du quotidien, capable de transformer en drame épique comme en conte moral ou en haïku graphique les faits les plus banals. Symptomatiquement, l'un des derniers romans lus par sa mère est Affaire de cœur, de Danielle Steel. Éclairée par Paul à la maison, toute l'œuvre de Michel Rabagliati se révèle ainsi comme une affaire de cœur.

Michel Rabagliati
Paul à la maison
La Pastèque
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 25 euros ; 208 p.
ISBN: 9782897770723

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