Livres Hebdo : Qu’est-ce qui a motivé la création de cette nouvelle manifestation littéraire ?
Laurence Faron : Il s’agit d’une initiative de l’Edif (Edition indépendante en Île-de-France), jeune association créée à l’initiative de quelques éditeurs et éditrices qui avaient fait le constat que l’édition indépendante était méconnue du grand public, mais aussi de l’interprofession. Les trois premières années ont été consacrées à la structuration de l’association et à une campagne d’adhésions réussie puisque que nous sommes déjà plus de 80 membres. Il s’agit désormais de nous faire connaître et de faire connaître au public la richesse et la diversité nos maisons, mais aussi leurs besoins et leurs contraintes.
Vous évoquez à juste titre les spécificités des maisons indépendantes. Qu’en est-il plus précisément de celles qui sont à la fois indépendantes et franciliennes ?
L.F : La question est d’abord régionale : l’Île-de-France est le territoire qui concentre le plus grand nombre de maisons indépendantes. D’ailleurs, nous ne savons pas combien nous sommes exactement. Nous avons pour objectif de nous recenser, et de dresser un premier panorama de l’édition indépendante en Île-de-France. Cela fera l’objet d’une étude soutenue par la Sofia, le ministère de la Culture et la région Île-de-France, qui sera menée dans les mois à venir.
« La lecture reste encore le meilleur moyen de résister »
Justement, pour cette première édition, avez-vous reçu le soutien des institutions publiques ?
L.F : La municipalité de Paris, en particulier la mairie de Paris Centre, nous accueille à la Halle des Blancs Manteaux. La région Île-de-France nous accompagne financièrement, tandis que Fontaine O Livres, l’imprimeur Sepec ou encore l’association Paris Librairies sont partenaires de l’événement. Enfin, ICCARE, programme de recherche du CNRS, nous a également aidés en concevant un programme de rencontres, de débats et d’ateliers de haut niveau pour la journée professionnelle.
Elsa Pierrot : L'association a aussi souhaité associer les librairies à la manifestation, à travers un échange de visibilité avec l’association Paris Libraires, mais aussi en invitant une librairie à intervenir à une des tables rondes : Ana Maria Torres, libraire aux Nouveautés (Paris XXe), mais également autrice, traductrice et directrice d'une collection chez Chandeigne. Outre cela, nous avons veillé, lors de la programmation, à nous associer autant que possible aux bibliothèques de la Ville de Paris, avec deux ateliers dédiés au jeune public, et organisés à Forney et Marguerite Audoux.
Cette nouvelle fête du livre est intitulée « Lisons libres ! ». Pouvez-vous expliciter le choix de ce nom ?
L.F : Ces deux mots nous ont semblé très importants et tout à fait en lien avec notre association. D’ailleurs, livre et liberté sont des notions assez proches de celles de l’édition et de l’indépendance. Nous souhaitions également un nom dynamique, conçu non comme une injonction, mais comme une invitation à lire ensemble. Car la lecture reste encore, de nos jours, le meilleur moyen de résister au tout-écran, au formatage des esprits, à la désinformation et à l’endoctrinement. Affirmer notre liberté de penser, de créer et de publier est plus que jamais nécessaire.
« Si certaines œuvres n'ont pas vocation à toucher un large public, elles n'en restent pas moins nécessaires »
À leur propre échelle, que peuvent imaginer les maisons et librairies indépendantes pour résister face aux difficultés contemporaines, parmi lesquelles une conjoncture économique plutôt défavorable ?
L.F : Je pense que l’Edif, comme ce salon, apporte déjà une réponse. Se fédérer, mieux se connaître, travailler ensemble, mutualiser nos forces font partie des initiatives que l’on peut mettre en place pour essayer de résister à la pression économique qui touche tout le monde, y compris les grandes maisons. Être ensemble devrait aussi nous faire gagner en visibilité en librairie et dans la presse, nous conférer plus de poids en librairie et peut aussi attirer l’attention des prescripteurs, de la presse, des bibliothécaires ou des enseignants. Et puis, si certaines œuvres n’ont pas vocation à toucher un large public, elles n’en restent pas moins nécessaires, et c’est souvent l’édition indépendante qui les soutient.
Par exemple, le parrain de cette édition n’est autre que Gilles Marchand, auteur plébiscité qui ne publie qu’au sein de petites structures…
L.F : Tout à fait. Gilles Marchand est un auteur à succès, avec une actualité littéraire en septembre et publié par des maisons indépendantes comme les éditions Le Sonneur, Antidata ou, plus récemment, Aux Forges de Vulcain. En l’invitant à parrainer l’événement, nous tenions à montrer qu’il y a des auteurs talentueux, reconnus, ayant du succès critique et commercial, qui choisissent l’édition indépendante et tiennent à ce qu’elle résiste.

Pouvez-vous détailler les temps forts de la programmation ?
E.P : Le programme compte quatre tables rondes, le samedi et le dimanche, en complément des rencontres professionnelles qui se tiendront le vendredi. Quatre ateliers sont également proposés : deux en bibliothèques et deux grands ateliers participatifs à la Halle des Blancs-Manteaux. Une des rencontres s’interrogera sur l’impact de l’intelligence artificielle dans les métiers de l’édition, en partenariat avec le programme de recherche ICCARE. Une autre, dimanche, sera animée par Sophie Queteville, avec trois membres, anciens ou actuels, du bureau de l’Edif : Valérie Millet (éditions du Sonneur), Serge Ewenczyk (éditions Çà et là) et Léa Thévenot (éditions Rue de l’Échiquier). Ensemble, ils évoqueront les forces et les fragilités des éditeurs indépendants, mais aussi le rôle que peuvent jouer l’association et ce nouveau salon. Une autre table ronde, cette fois animée par Gaëlle Bohé, directrice de l’association Fontaine O Livres, explorera la créativité des éditeurs indépendants. Seront présentes Julie Amiot-Guillouet, autrice publiée aux éditions D’une rive à l’autre, Isabelle Checcaglini, fondatrice des éditions Ypsilon, ainsi que la libraire Ana Maria Torres, qui viendra présenter ses six coups de cœur, parmi lesquels un titre de la jeune maison À la Renverse, créée par le master d’édition de la Sorbonne, également présent lors du salon.
Cette manifestation est-elle destinée à s’installer durablement dans l’agenda des événements littéraires ?
L.F : En effet, Lisons Libres ! sera un rendez-vous annuel. Nous espérons que la prochaine édition pourra de nouveau se tenir à la Halle des Blancs Manteaux, qui est une salle magnifique et emblématique de la vie parisienne, culturelle et citoyenne. Pour le moment, rendez-vous à partir de vendredi pour trois jours de fête de l’édition indépendante.