Histoire/Etats-Unis 7 novembre Simon Morrison

Vous aimez le ballet, les petits pas et les grandes affaires, alors ce Bolchoï confidentiel est pour vous. Car bien sûr à travers l'histoire de ce théâtre prestigieux qui a l'âge des États-Unis, c'est celui de la Russie puis de l'URSS qui se joue et pas seulement dans les coulisses.

Professeur de musique à l'université de Princeton, aux États-Unis, Simon Morrison a conçu son ouvrage de façon chronologique en se focalisant sur quelques personnalités qui ont façonné cette vénérable institution depuis sa création en 1776, à commencer par le britannique Michael Maddox, un escroc qui prit la direction du théâtre Petrovski qui allait devenir le Bolchoï Petrovski jusqu'à son incendie en 1805. On y jouait alors surtout des opéras vaudevilles. Le Bolchoï devint vraiment Bolchoï, le grand théâtre de Moscou, après l'invasion napoléonienne de 1812. Il s'imposa comme un endroit symbolique, esthétique et idéologique pour les tsars puis pour Staline qui y ratifia la Constitution soviétique. Il y prononça ensuite de nombreux discours où il valait mieux être vu. Car ne pas être aperçu au Bolchoï dans ces moments-là c'était être tombé en disgrâce, enfermé dans un camp ou exécuté durant la Grande Terreur. Danses des pantins, danses du ventre, danses macabres ou danses polovtsiennes, tout s'y chorégraphiait politiquement aussi.

C'est dans ce temple du ballet que s'élaborait et se disputait l'identité nationale à travers l'identité culturelle, dans la plus russe des institutions au service du plus russe des arts. Pendant la période soviétique même les tracteurs investirent la scène - renforcée - pour des pièces qui exaltaient le réalisme socialiste. Mais c'est là aussi que Tchaïkovski débuta comme compositeur. C'est dans ce théâtre que la rousse et explosive Maïa Plissetskaïa dansa dans Le Lac des cygnes jusqu'à 70 ans. Elle défia les hiérarques communistes qui la traitaient honteusement. Elle fut même pelotée par Leonid Brejnev dans sa limousine... qui lui signifia que le Bolchoï faisait face au Kremlin.

Le Bolchoï n'est pas plus calme depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du communisme. Le 17 janvier 2013 son directeur artistique, Sergueï Filine, a eu le visage aspergé d'acide devant son domicile. Pavel Dmitritchenko, un des principaux danseurs de la troupe, fut reconnu comme le commanditaire de l'attentat pour un conflit d'intérêts au sein des syndicats des artistes. Condamné à six ans de prison, sa peine fut commuée en six mois. Filine est aveugle de l'œil droit et a perdu la moitié de sa vision au gauche. L'anecdote tragique rappelle que ce théâtre où s'illustrèrent les plus grands artistes fut aussi celui de la cruauté comme le montre cette histoire mouvementée.

Simon Alexander Morrison
Bolshoï confidentiel - Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Luba Jurgenson
Belfond
Tirage: 2 200 ex.
Prix: 21 euros ; 496 p.
ISBN: 9782714458711

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