A partir de l'appel désemparé, début janvier, d'une libraire de Grenade-sur-Garonne qui n'avait toujours pas reçu sa commande de Sérotonine plusieurs jours après la parution du roman de Michel Houellebecq, Livres Hebdo s'est livré à une double enquête pour tenter de comprendre certains des dysfonctionnements de la chaîne du livre fréquemment mis en avant par les librairies dites de « 2e niveau ». Sur place, Clarisse Normand a longuement rencontré Pascal Hernandez et Muriel Bernat, le gérant et la libraire du Grand Selve. Rebondissant sur cinq de leurs difficultés, qui sont autant de freins au développement des petites librairies, elle a ensuite demandé aux éditeurs et aux diffuseurs les plus directement concernés d'apporter leurs réponses et leurs commentaires.

De la confrontation entre les défis d'une librairie de proximité et les stratégies des diffuseurs surgit une image renouvelée des conflits qui opposent les deux professions. Ils tiennent moins, finalement, à des désaccords de fond qu'à un manque cruel de moyens qui touche les uns et les autres. A la petite librairie, le sentiment d'isolement voire d'abandon, l'impression d'être broyée par une machine sur laquelle elle ne peut aucunement influer, David contre Goliath. Aux diffuseurs, les numéros d'équilibristes pour assurer chaque année la promotion et la mise en marché de plusieurs dizaines de milliers de titres différents dans des milliers de librairies, sans plomber l'équilibre d'une activité de plus en plus contrainte.

Sans doute ce double sentiment d'impuissance explique-t-il, dans un contexte de tassement du marché du livre, la montée du débat sur la « surproduction ». Beaucoup espèrent, en la combattant, reconquérir des marges de manœuvre, même si la production en titres reste en réalité stable depuis quatre ans. Même observée sur dix ans, elle n'a augmenté que de 7 %, à peine plus que la population française (+ 5 %).

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