Né à Lima (Ohio) en 1924, mort à Tokyo en 2013, Donald Richie ne pouvait être que voyageur. C’est après la guerre, en 1947, qu’il débarque pour la première fois en Asie, au Japon, avec l’armée d’occupation américaine, mais en tant que civil, journaliste. Un véritable choc culturel. Même s’il pérégrine ensuite pas mal, c’est toujours là qu’il reviendra. "Moi qui ai vécu l’essentiel de ma vie au Japon", disait-il. Il l’y a même achevée. Mais avant cela, il était devenu l’un des meilleurs connaisseurs du pays, qu’il aimait, entre autres choses, pour sa tolérance en matière de mœurs, rien à voir avec l’Amérique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma nippon qui font autorité.
Quasi inconnu en France, Richie le travel-writer ne méritait pas de le rester. Mission accomplie avec ce recueil de textes présentés dans le désordre de la mémoire, depuis celui consacré à l’Egypte, de 2001, jusqu’au vaste ensemble qui couvre le Japon, de 1990 à 2005. Au passage, on s’étonnera que la terre des pharaons ouvre un ensemble consacré à l’Asie, de même que notre nouvel ami situe à Calcutta l’Imperial, l’hôtel mythique de New Delhi. Péchés véniels, tant l’essentiel de la démarche de Richie est attachant. Partout où il est passé, cet homme a recherché l’autre, la différence, dont il fait l’éloge face à la globalisation, à l’uniformisation et à la standardisation croissantes. Lesquelles s’accompagnent du sabotage de la planète, de la mort des cultures traditionnelles.
Heureux comme personne à Luang Prabang, l’ancienne capitale du Laos, "le refuge des derniers rêveurs", ou bien au Bhoutan, petit royaume himalayen fermé aux étrangers à l’époque où il écrit (1997), Donald Richie était un chasseur de paradis perdus, un nostalgique, un sybarite également : à preuve son exploration méthodique de Yoshiwara, quartier "chaud" de Tokyo. A lire en réécoutant du Manset.
Jean-Claude Perrier
