Le rapport Lescure, relatif aux politiques culturelles à l'ère numérique , et qui a été remis en mai dernier, comporte plusieurs propositions visant à modifier le Code de la propriété intellectuelle C'est ainsi qu'il est question de la protection et de la valorisation du « domaine public numérique ». Il s'agit donc, en premier lieu, de «  renforcer la protection du domaine public dans l'univers numérique  » et notamment d' «  établir dans le Code de la propriété  intellectuelle une définition positive du domaine public  ». Car il est vrai que tous les professionnels de la culture - éditeurs et bibliothécaires en tête - font un jour ou l'autre, cet amer constat, selon lequel « on ne peut plus rien faire ». Finie en effet l'illusion, entretenue officiellement par le Code de la propriété intellectuelle, d'un domaine public. Il est vrai, les droits d'auteur - en tout cas les droits patrimoniaux - sont limités dans le temps. En théorie, chacun peut donc exploiter librement les œuvres « anciennes », piocher dans un grand patrimoine culturel commun, sans solliciter d'autorisation et , a fortiori , sans verser de rémunération. Mais un rapide panorama de la judiciarisation, ces dernières années, du milieu du livre atteste que le domaine public, cher aux pères fondateurs des lois sur la propriété intellectuelle, est aujourd'hui réduit à peau de chagrin. Faute, peut-être d'avoir été défini. Le rapport Lescure préconise également d' «  indiquer que les reproductions fidèles d'œuvres du domaine  public appartiennent aussi au domaine public  ». L' économiste de l'édition Christian Robin avait, dans une récente étude, souligné que « certains acteurs de l'internet qui ne sont pas détenteurs des droits sur les œuvres développent une nouvelle intermédiation et cherchent à la rentabiliser  ». Rappelons encore que l'édition des textes classiques peut facilement générer une nouvelle protection : transcription en français moderne, glossaire, notes, apparat critique, mise en page, maquette, etc. sont autant de créations couvertes par le droit d'auteur. Rééditer en 2013, les Essais de Montaigne pour le grand public nécessite, au choix, un travail de chien, ou le payement de droits. Quant aux propriétaires d'inédits d'écrivains ou de peintres qui sont apparemment tombés dans le domaine public depuis belle lurette, la loi leur accorde un droit d'auteur (!) d'une durée de vingt-cinq ans lorsqu'ils révèlent leurs trésors... Ajoutons encore que, pour l'heure, ni la jurisprudence, ni la loi, ne reconnaissent véritablement la numérisation comme un acte de création susceptible de générer un droit d'auteur au profit de celui qui la réalise. Cependant, dans la mesure où un tel procédé nécessite toujours des moyens  intellectuel, matériel et financier importants, la tentation est grande  de reconnaître des droits propres en faveur de ceux qui exploitent des journaux scannés, des œuvres d'art pixélisées, des livres maquettés au format numérique...  Le rapport Lescure ajoute enfin qu'il faut «  valoriser le domaine public numérique sans en restreindre la diffusion : encadrer les exclusivités prévues dans les  partenariats public - privé de numérisation  »  ainsi qu'«  encourager des politiques de valorisation fondées sur l'éditorialisation  et sur les services à valeur ajoutée.  » Voilà une dernière formulation qui semble rentrer en conflit avec l'affirmation d'un domaine public offensif. Dun côté, il faut le sacraliser et, de l'autre, l'exploiter de telle façon que toute version contemporaine devienne génératrice de droits privatifs.
15.10 2013

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