28 août > Roman France

Dans Marcus, paru en 2012 (Alma, disponible chez Points), lauréat du prix René-Fallet 2013, qui signait sa convaincante entrée en scène, Pierre Chazal avait donné la parole à des gens de peu, dans un Nord de ciel bas. Les buveurs de lune erre dans le Paris contemporain de jeunes égarés de bonne famille. Un décor à peine moins déprimé que Pierre Chazal regarde comme une vieille maîtresse. Car s’il trouve encore à la Seine "des courbes de jeune fille", son héros Balthazar, vieil adolescent de 26 ans, traîne son spleen dans ces lieux de paradis artificiels où "la ville lumière, offerte en sacrifice à la génération poubelle des années cuite express, prend des airs de pandémonium".

Sorti d’une grande école de commerce, joueur de contrebasse et de violoncelle, notre garçon bien né, héros baudelairien actualisé à l’ère numérique, n’est pas un titi des faubourgs. En cet automne 2011 où avec Mélanie "c’est fini de chez fini ", où son grand frère Stan est interné en HP pour une cure de désintoxication, ce jeune chômeur en fin de droits ne sait plus trop que faire de lui à part trimballer sa carcasse de bar en bar, noyer sa "désabusion" dans tout ce qui titre à plus 8 %, jusqu’à échouer dans la cellule de dégrisement d’un commissariat du 18e arrondissement…

Pierre Chazal a l’oreille sociologique fine : il entend bien la langue des tribus d’aujourd’hui dont il rend la musicalité énervée par son écriture très orale, il connaît leurs rituels et leurs bacchanales. Même si ce deuxième roman respire encore une fois le drame, le romancier offre aussi à ses personnages le salut des rencontres - celle de son garçon perdu avec la lycéenne Sarah, aînée d’une famille rive gauche en voie de dislocation -, des croisements bénéfiques, des solidarités électives. Et extrait ainsi la sève d’une jeunesse qui sous son indolence s’obstine à désirer décrocher la lune.

V. R.

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