Land’s end. C’est ainsi que le jeune Mitia a baptisé le camping où il s’arrête sur la route des vacances avec son frère Vladimir et sa mère. Un nom qui sonne comme une prémonition. De fait, ce qui ne devait être qu’une étape devient la destination même du voyage. Dans le camping-car, l’ambiance est un tantinet plombée. Les trois vacanciers cherchent leurs marques après la tragédie où Mitia a perdu son meilleur ami. Pendant que la mère lit Le chagrin de l’enfant et que Vladimir passe ses journées à gober des films, Mitia, le plus désinvolte des trois, explore les environs, peuplés, il faut bien le dire, d’étranges autochtones. Jugez plutôt : une curieuse jeune fille en robe blanche, jadis une robe de mariée, tague des renards au bord de l’autoroute quand elle ne coud pas des chemises qu’elle appelle "chemises de cygnes". Et que dire encore de cette horde de voleurs orphelins qui portent tous des noms de navires naufragés ? Mitia ne tarde pas à se joindre à eux malgré les auspices peu avenants d’une première rencontre. Peu à peu, le rêve prend le pas sur le réel. Les frontières se brouillent et les rivages aussi. D’un bout à l’autre, ce pavé est nimbé d’une menace sourde qui tient en haleine. Polyphonique et empreint de fantastique, il avance par petites touches disparates et retours en arrière. Il a beau traiter de sujets graves - le deuil, la culpabilité, la relation entre deux frères -, il distille aussi humour et poésie, deux antidotes nécessaires à l’atmosphère qui s’assombrit. Ce Récif de la Finlandaise Seita Vuorela, décédée en 2015, devrait émerger des flots de la rentrée. Fabienne Jacob
