Toute sa vie, Louis-René des Forêts (1916-2000) fit vœu de discrétion. Même s’il fut le familier de quelques très grands, Queneau, Bataille ou Leiris, par exemple, s’il admirait plus que tout Breton, loin de lui l’idée de se comparer. Il se méfiait trop de sa propre littérature pour se hausser du col. Et ce n’est qu’à la toute fin de sa vie que, après s’être affronté aux romans et aux récits, avoir composé de la poésie narrative, failli renoncer à l’écriture pour se consacrer à la peinture et au dessin, il s’est risqué à l’autobiographie romancée. Ostinato, magnifique, est paru en 1997 au Mercure de France et fut son seul "best-seller". Une consécration "populaire", dont lui, qui avait écrit toute sa vie pour quelques milliers de happy few, dut être le premier surpris. Ecrivain à la tête d’une œuvre relativement peu volumineuse, longtemps éditeur attentif et modeste chez Gallimard, peintre dont l’œuvre mériterait d’être plus explorée, des Forêts fut tout cela. Et plus encore : un homme engagé, durant la Résistance et contre la guerre d’Algérie, un rebelle à sa façon.
Pas assez "commercial", sans doute, pour la "Bibliothèque de la Pléiade", des Forêts méritait bien ce beau "Quarto", qui rassemble l’essentiel des textes qu’il a publiés de son vivant, plus des fragments écartés d’Ostinato, parus posthumes et confidentiels en 2002 chez William Blake & Co, à Bordeaux. On y lit quelques aphorismes sombres : "Non pas accuser le sort, mais s’en prendre à soi-même, uniquement à soi-même d’être l’auteur, le mauvais auteur de ses jours." Ou encore celui-ci, qui sonne comme une épitaphe : "Après tant de jours perdus, de forces dissipées, il se reconnaît mal à travers les plus récentes années où ne figure qu’un vieil homme discoureur dont chaque pas en avant est un pas vers la tombe."
J.-C. P.
