19 AVRIL - NOUVELLES & PHOTOS Chili-Argentine

Luis Sepúlveda, l'écrivain chilien nomade, qui vit actuellement dans les Asturies après avoir habité Hambourg et Paris, et Daniel Mordzinski, photographe argentin installé depuis trente ans à Paris où il est correspondant du quotidien espagnol El Pais, sont liés depuis longtemps par une belle complicité fraternelle. Dans leur livre, Luis désigne Daniel du beau nom de socio, "ami, camarade, coéquipier".

Daniel Mordzinski et Luis Sepúlveda- Photo DR/MÉTAILIÉ

Il fallait une telle relation, à toute épreuve, pour partir ensemble pérégriner jusqu'aux confins de la Patagonie. Ainsi que partager les mêmes idées sur le monde comme il ne va pas. Sepúlveda et Mordzinski ne sont pas seulement, chacun avec son moyen d'expression et son talent, des voyageurs, des reporters, des conteurs : ce sont les témoins engagés d'une époque en train de disparaître, d'un univers que les hommes, certains du moins, s'acharnent à détruire. Tout comme les colons ont exterminé les Indiens Mapuches, entre autres, et toujours pour les mêmes motivations : argent, puissance, pouvoir.

Durant plusieurs années, Sepúlveda fut engagé aux côtés de Greenpeace. S'il ne milite plus, il a conservé ses convictions, disons, pour faire simple, altermondialistes. Du coup, Dernières nouvelles du Sud acquiert une résonance nostalgique : quand, par exemple, de passage à Buenos Aires, l'écrivain évoque son "frère de coeur », le poète Osvaldo Soriano, "rongeur de havanes » aujourd'hui disparu mais dont l'ombre l'accompagne partout. Mais il prend aussi une tonalité crépusculaire, lorsque Sepúlveda raconte et que Mordzinski fixe sur le papier des gens, des histoires, des coutumes menacés par les fléaux de la prétendue modernité.

Chaque nouvelle est une rencontre formidable : comme celles avec El Tano, le luthier argentin d'origine italienne, qui cherche du bois en pleine steppe pour fabriquer ses violons ; la vieille Doña Delia, 95 ans et un peu chamane : dès qu'elle intervient quelque part ou sur quelqu'un, elle apporte la fertilité ; ou encore l'arrière-arrière-petit-fils de Davy Crockett, tombé à Fort Alamo. Côté western, on visite aussi, à Cholila, la dernière cabane où vécurent Butch Cassidy et The Sundance Kid, avant de se faire descendre par les Federales. Elle est aujourd'hui habitée par une famille nommée... Sepúlveda !

Dernières nouvelles du Sud est un livre superbe, où le texte et la photo sont indissociables et où le maté se partage à chaque page. Un hymne à la liberté des grands espaces, à la vraie fraternité, et à l'égalité qui devrait régner entre les hommes. Nos derniers remparts contre ceux que Cavafy, le poète grec d'Alexandrie, nommait "les barbares ».

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