Acheter moins de livres. C'est ce que font nombre de bibliothèques touchées par la hausse de leurs prix. « Depuis le début de l'année, on achète autour de 280-300 livres jeunesse et adulte par mois. Avant, on tournait plutôt autour de 300-350 », recense une bibliothécaire girondaine. À l'échelle de la France, selon les premiers résultats d'une enquête réalisée par le ministère de la Culture, les budgets des bibliothèques au niveau national sont en chute de 25 à 30 % en moyenne par rapport à 2022. Comment accusent-elles le coup ? En baissant le budget animation plutôt que celui des collections, avance Jacques Sauteron, conseiller Livre et lecture ministère de la Culture à la Drac Hauts-de-France. « Les bibliothèques se sont ouvertes à la diffusion culturelle de manière large, mais ce qui continue d'attirer le public, ce sont les collections récentes, les nouveautés. Diminuer les collections, c'est souvent perdre du public. » La bibliothèque de Beaune (Côte-d'Or) a, elle, eu droit à une hausse de son budget, « pour assurer à peu près toujours le même niveau de collections », indique Claire Goncalves, responsable de la section adulte. La bibliothèque de Juziers (4 000 habitants) a, elle, reporté les 10 % de baisse sur les animations, sans toucher aux acquisitions. Comme les bibliothèques de la Vallée de l'Hérault, « pour ne pas diminuer l'offre documentaire qui me semble encore aujourd'hui le cœur du service que nous rendons aux habitants », étaye le chef de la lecture publique Vincent Chevallier. Son équipe cherche des mécènes pour maintenir le même niveau d'animations. Les médiathèques peuvent aussi s'appuyer sur le pass Culture ou participer à des appels à projet du CNL. La bibliothécaire de Fousseret (Haute--Garonne) Laure Souvielle fait, elle, le choix de créer ses propres animations, « mais nous ne coupons pas sur les acquisitions », confirme-t-elle.

Difficile à avaler : baisser les ressources humaines. Une médiathécaire interrogée par Livres Hebdo accuse le non-remplacement de deux postes. Dans une autre médiathèque, qui vient d'ouvrir ses portes dans un nouveau bâtiment, il manque trois agents pour suivre le plan initial. « Notre commune doit encore encaisser, à l'échelle de la collectivité, le coût de la crise sanitaire (fournitures pour appliquer les mesures d'hygiène et les protocoles d'accueil des scolaires) et la crise énergétique actuelle. Les factures d'énergie ont été multipliées par quatre voire six. On va donc attendre avant de recruter du personnel et de mettre en place certains des nouveaux services annoncés », esquisse la directrice. La nouvelle médiathèque comptera autant de documents que dans l'ancienne, avec une surface supérieure. La raison affichée : réserver de l'espace aux places de lecture et de travail.

Enfin, certaines communes renoncent à la construction de leur médiathèque face au prix des matières premières qui s'enflamme, comme à Saint-Martin-Boulogne (Hauts-de-France). Les aides de la Drac étaient insuffisantes. « Mais ce cas de figure reste rare, nuance Jacques Sauteron. La dynamique de construction de médiathèques est assez forte, car les aides de l'État accompagnent leur rénovation ou construction. » Les dossiers favorisés : les médiathèques qui optimisent leurs espaces en s'associant avec d'autres services (école de musique...), et la rénovation pour des économies énergétiques. « L'investissement est important au départ, mais ces travaux d'efficacité énergétique sont appréciés sur le long terme », promet le représentant du ministère.

Reste à baisser la température des radiateurs à 19 °C, quitte, comme une bibliothèque qui souhaite rester anonyme, à ouvrir seulement sur deux jours (treize heures trente d'ouverture) contre cinq jours (deux heures par jour) auparavant, pour concentrer le chauffage. 19 °C, c'est moins pire que dans d'autres services municipaux. Les médiathèques se doivent de rester accueillantes, et même refuges pour les plus précaires qui cherchent électricité et chaleur. F. G.

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