avant-portrait > Romain Verger

Le réel qui déraille, le normal qui mute, Romain Verger a fait de la métamorphose son territoire littéraire. On précisera un peu vite que ses textes entrent plutôt dans la catégorie de la littérature fantastique, que son univers fictionnel est sombre et angoissé, que sa langue très ouvragée est fortement marquée par la poésie, forme qu’il a privilégiée pendant une dizaine d’années avant de publier en 2006, à 33 ans, Zones sensibles chez Quidam. La "bifurcation d’un poème en roman" : c’est ainsi qu’il définit ce premier roman à la structure éclatée. "J’avais constaté que ma poésie devenait de plus en plus narrative." Et le revoici quatre romans plus tard avec un recueil de neuf nouvelles. Mais, à y regarder de plus près, même si certains motifs - l’océan, la nature primitive comme dans Forêts noires (Quidam, 2010), la figure polymorphe du monstre… - hantent ses histoires, il serait réducteur d’enfermer Romain Verger dans la littérature de genre. C’est plus largement la question de l’imaginaire, des frontières du rêve et du fantasme, de la distorsion de la réalité, qui le travaille, depuis un doctorat consacré à l’écriture onirique chez Michaux dont il a tiré un essai Onirocosmos (Presses Sorbonne nouvelle, 2004).

"Libraire d’un soir"

Loin en apparence des personnages de ses livres, l’écrivain est, au quotidien, solidement ancré dans le concret. Professeur de lettres, il enseigne dans un lycée des Yvelines après avoir exercé longtemps en collège. Un prof était d’ailleurs le narrateur de son premier roman, et l’on retrouve dix ans plus tard un enseignant en congé formation dans "L’année sabbatique", l’une des nouvelles de Ravive. Bien sûr, dans les deux cas leur monde bascule, s’enfonce dans l’étrangeté. Parmi ses sources d’inspiration, l’écrivain évoque aussi une "expérience fondatrice qui l’a beaucoup remué" : la visite privée qu’il a eu le privilège de faire à la grotte Chauvet en 2005. Elle est au cœur de Grande Ourse (Quidam, 2007), incarnée dans un personnage d’artiste du paléolithique.

Romain Verger constate qu’il écrit "finalement peu", sans régularité, et lit beaucoup, en dépit de son métier chronophage. Mais que l’équilibre qu’il a trouvé entre enseignement et écriture lui convient bien. "Ecrire est un lent processus d’élucidation, de maturation, de transformation continue. Il faut le temps que ça prenne corps." Sur Membrane, le "blog omniperméable et photosensible" qu’il alimente à un rythme tout aussi aléatoire, il expose les œuvres de photographes qui l’intéressent, publie des critiques sur les livres des autres. Ceux qu’il a aimés, souvent publiés comme lui par des petites maisons indépendantes. Ce passeur, à qui il est arrivé de s’improviser "libraire d’un soir" lors des soirées organisées par la librairie parisienne Charybde où il fêtera le 20 octobre la sortie de son livre, a le goût du partage : "On a tous besoin de se soutenir et je trouve naturel et sain que les choses circulent dans tous les sens."

Véronique Rossignol

Romain Verger, Ravive, éditions de l’Ogre ; Prix : 18 euros ; Sortie : 21 octobre ; ISBN : 979-10-93606-50-7.

 

14.10 2016

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