Italie

Tandis qu’en France, à la suite de la tragique attaque de Charlie Hebdo, on continue de discuter de la liberté d’expression, du droit au blasphème et de ses limites, en Italie, Erri De Luca risque jusqu’à cinq ans de prison pour certaines de ses déclarations. En effet, le 28 janvier s’ouvrira auprès du tribunal de Turin un procès contre le célèbre romancier accusé d’avoir "incité publiquement à commettre un ou plusieurs délits et infractions". En particulier lui sont reprochées les déclarations faites dans une interview accordée à la version italienne de l’Huffington Post en septembre 2013. A cette occasion, l’écrivain avait exprimé son soutien à des jeunes accusés de préparer des actions violentes contre les travaux de construction de la TAV, la ligne de train à grande vitesse qui doit relier Turin à Lyon. Un projet qui en Italie, et spécialement dans le val de Suse où doit être percé le tunnel traversant les Alpes, est au centre d’une farouche contestation depuis plusieurs années. Dans ce contexte, l’écrivain avait soutenu que "la TAV doit être sabotée" et que les sabotages "sont nécessaires pour faire comprendre que la TAV est une entreprise nuisible et inutile".

A Turin, à l’accusation d’apologie de sabotage formulée par les juges, l’auteur du Tort du soldat compte opposer son droit à la liberté d’expression, comme il le rappelle dans un pamphlet qui vient de paraître simultanément en Italie, en France, en Espagne et en Allemagne, La parole contraire (traduit de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, 43 p., 8 euros).

Dans ses pages, De Luca souligne que "pour parler d’incitation à la violence il faut démontrer le rapport direct entre les mots et les actions commises", tout en annonçant qu’il compte transformer ce procès en tribune contre le délit d’opinion, contre la censure et pour le droit à "la parole contraire", celle qui n’est pas obséquieuse ni timorée. "Si mon opinion est un délit, je continuerai de le commettre", écrit-il, en ajoutant que, en cas de condamnation, il ne fera pas appel du jugement et ira continuer son combat en prison.

C’est dire si le procès sera suivi avec beaucoup d’attention dans toute la péninsule, où il risque de relancer le débat sur la liberté d’expression garantie par l’article 21 de la Constitution italienne. Et pour se préparer au procès et aux polémiques à venir, certains de ses soutiens ont même créé un site sur la Toile de solidarité avec l’écrivain : Iostoconerri.net.

Fabio Gambaro

23.01 2015

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