4 janvier > Roman France > Sean Rose

Le deuil des amours premières, des appariements fondateurs, de la jeunesse surtout, comme Et nos amours (Denoël, 2009), Le meilleur des amis, le deuxième roman de Sean Rose, qui chronique dans ces colonnes, est coupé dans l’étoffe des regrets et des désillusions. Tant de silence, de secrets inavoués, de passions refroidies, de mauvaise conscience enfouie séparent le narrateur, un quadragénaire père de famille, de l’étudiant parisien qu’il fut, à la fin des années 1980. Le voilà au Château de G., dans le vignoble bordelais, attendant le propriétaire du domaine, son ancien ami Thibaut, pour honorer un rendez-vous avec vingt ans de retard.

Voici le temps de puiser dans la mythologie d’une amitié suspendue il y a si longtemps. Ils ont autour de 20 ans quand ils se rencontrent dans la prépa d’une école de commerce où ces deux poulains provinciaux de l’élite scolaire ont été admis. Thibaut, garçon facile à la "bonne humeur virale", est attaché à sa famille et ses terres du Sud-Ouest avec une "nostalgie pathologique" à laquelle le narrateur se dit à l’époque totalement hermétique. Lui, métis en exil, né dans un pays d’Asie du Sud-Est, fils unique d’une mère issue d’une des plus vieilles familles de "l’ancien royaume de K.", orphelin d’un père français, a passé une partie de son enfance solitaire dans la ville de ses grands-parents paternels. Les deux garçons s’engagent dans une amitié de rituels, intellectuelle, dans une "émulation réservée aux idées", partageant une passion pour les écrivains russes et les troquets. Avec eux, et plus tard entre eux, il y aura Camille, l’amoureuse de Thibaut, Bordelaise comme lui, fille de notaire qui tente d’échapper à son destin social sur les bancs de l’Ecole du Louvre : auprès d’elle, le narrateur complétera d’abord son éducation esthétique avant d’apprendre la science inexacte des sentiments.

Et nos amours était une danse de groupe, chorale. Le meilleur des amis chorégraphie un pas de trois plus intime et plus rapproché. Un peu rohmérien. Ce qui séduit dans le style à la fois chic et raffiné de Sean Rose, c’est cette façon de tirer ses personnages vers le haut. Là où les amours sont plus fidèles qu’infidèles et où l’érotisme est une mystique. Où la trahison n’est pas qu’une vulgaire traîtrise, la désertion pas seulement une lâcheté ordinaire. Là où l’on se laisse porter par "les courants d’une attirance indicible". Véronique Rossignol

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