Raphaël Enthoven, philosophe et romancier, sera finalement bien présent au festival Livres dans la boucle à Besançon, prévu du 19 au 21 septembre. Sa déprogrammation initiale, décidée le 4 septembre par le Grand Besançon Métropole en raison de propos polémiques sur X concernant Gaza, avait suscité la mobilisation de plusieurs auteurs et éditeurs.
Une mobilisation qui a payé puisque le festival a annoncé que Raphaël Enthoven, invité dans le cadre de la parution de son dernier ouvrage L'Albatros (L'Observatoire), serait finalement reprogrammé.
Sérénité de l'événement
Dans un communiqué officiel publié à l’issue d’une conférence de presse, Anne Vignot, présidente du Grand Besançon Métropole, explique : « Les positions tenues par Raphaël Enthoven cet été m’ont amenée à proposer à Gilles Ory, vice-président Culture, de déprogrammer sa venue pour éviter que la sérénité de l’événement soit remise en cause. Aujourd’hui, le monde littéraire traduit cela comme de la censure, ce qui n’a jamais été mon intention. J’ai entendu les inquiétudes des acteurs de la chaîne du livre, de nos libraires, des auteurs, des éditeurs et des amoureux du festival. C’est pourquoi j’ai posé la question de la reprogrammation aux élus du bureau exécutif du Grand Besançon, qui se sont prononcés pour. La sécurisation sera adaptée. »
Le 15 août, en réaction à la mort de plusieurs journalistes dans la bande de Gaza, Raphaël Enthoven avait publié sur X : « Il n’y a aucun journaliste à Gaza. Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d’otages avec une carte de presse ».
Il n’y a AUCUN journaliste à Gaza.
— Raphaël Enthoven 🎗️ (@Enthoven_R) August 15, 2025
Uniquement des tueurs, des combattants ou des preneurs d’otages avec une carte de presse. 👇🏿 pic.twitter.com/GSuU109uVt
Des propos contredits, entre autres, par Reporters sans Frontières et dénoncés notamment par Anne Vignot, maire de Besançon, qui déclarait, le 5 septembre : « Si un festival tel que Livres dans la boucle est un lieu d'échanges, il est de ma responsabilité de les garantir dans une ambiance la plus sereine possible, sans risque de trouble à l'ordre public. Ma conviction profonde est que ce n'est plus possible aujourd'hui à Besançon suite aux récents propos de Raphaël Enthoven, alors que nous traversons une période de grandes tensions. Cela ne remet pas en cause ni la promotion ni la vente de son ouvrage sur le festival. »
Le 4 septembre, le Grand Besançon Métropole annonçait sa déprogrammation, invoquant la nécessité de préserver la sérénité de la manifestation.
Une réaction immédiate du monde littéraire
L’annonce avait provoqué un choc parmi les auteurs et maisons d’édition. David Foenkinos a exprimé sa stupéfaction et envisagé de suspendre sa participation. Le président d’honneur du festival devait également, selon France Inter, s’entretenir avec la maire de Besançon.
L'éditeur Frédéric Boyer, patron des éditions P.O.L, a dénoncé dans Le Point une forme de censure : « P.O.L est contre tout acte de censure portant sur un auteur ou un livre, et refuse de cautionner un tel acte. »
Jacques Expert, ex-directeur des programmes de RTL, a également annoncé, le 5 septembre, dans une publication sur X qu’il renonçait à sa venue. Certaines figures littéraires ont pris des positions nuancées : Sorj Chalandon a indiqué à France Inter une venue sous réserve, tandis qu’Anne Goscinny, qui devait animer la traditionnelle grande dictée du samedi matin, annonçait son retrait.
Un débat élargi sur la liberté d’expression
Le communiqué d’Anne Vignot souligne que cette reprogrammation s’accompagne d’un appel à ouvrir un débat sur la liberté d’expression, « fondement de la démocratie, particulièrement ébranlé à l’heure des réseaux sociaux qui véhiculent informations, opinions mais aussi appels à la haine, menaces et fake news ».
Dans un communiqué, le Centre national du livre indique se réjouir de la décision de la municipalité de Besançon et « réaffirmer son attachement indéfectible à la liberté de création et de programmation, conditions essentielles de la vitalité culturelle et démocratique de notre pays. »
Le CNL salue également « la mobilisation et la solidarité des auteurs, qui ont défendu avec force la liberté de penser et d'exprimer de Raphaël Enthoven, indépendamment de leurs convictions personnelles. »