24 août > Roman Canada > Michael Winter

Faire peau neuve à Terre-Neuve

Un des tableaux du peintre Rockwell Kent à Terre-Neuve. - Photo Rockwell Kent

Faire peau neuve à Terre-Neuve

Le Canadien Michael Winter reconstitue l’échappée de l’artiste américain Rockwell Kent (1882-1971) à Terre-Neuve où il tente de sauver son art et son couple.

J’achète l’article 1.5 €

Par Sean James Rose
avec Créé le 16.06.2017 à 01h36

Parmi les artistes américains du XXe siècle, il n’est certes pas le plus connu. Rockwell Kent (1882-1971) est peintre, graveur et aventurier ; il s’est rendu célèbre pour ses illustrations des éditions de grands classiques, comme Moby Dick de Melville ou Feuilles d’herbe de Walt Whitman. Dans le trait stylisé de ses gravures ou les à-plats de couleurs de ses paysages réverbère l’écho des expressionnistes allemands de Die Brücke, résonnent aussi les accents symbolistes du Suisse Ferdinand Hodler. Dans Au nord-est de tout, Michael Winter reconstitue l’échappée de Rockwell Kent à Terre-Neuve, dont est originaire l’auteur canadien, et sa tentative sauver et son art et son couple.

Sur le conseil de son ami Gerald, Rockwell Kent prend la décision de quitter New York. Il s’en est ouvert à sa femme Kathleen, Kathleen Whiting, bonne comme le bon pain, respirant une bienveillance universelle qu’exprimait cet éternel sourire, "toujours la même expression"… Kathleen est d’accord. Quitter la ville lui permettrait de "[lui] simplifier l’existence", selon ses termes. Traduction : ne pas se sentir menacée par la première femme venue avec qui Rockwell coucherait inévitablement. Car tel est le credo de l’artiste : "Je ne suis pas croyant sauf pour le sexe et l’art. Ce sont pour moi mon roi et ma reine, et cela ne me dérange pas de mentir pour leur faire honneur. […] Mentir ne trahit pas l’intégrité. Du moins, ma définition de l’intégrité." Un premier repérage à Brigus, petite communauté de pêcheurs sur l’île de Terre-Neuve, où il espère s’installer avec sa petite famille puisqu’il "préférerai[t] parfois que l’on [l]e considère comme un être humain en quête d’une vie meilleure, et non comme un peintre." Parole de fornicateur : en chemin, il revoit Jenny Starling avec qui il était avant Kathleen, il flirte avec telle fille qui pose pour lui, trousse telle autre qui gardera ses enfants. Scènes de sexe et dialogues d’amis (avec son copain de beuverie new-yorkais Gerald Thayer ou l’explorateur de l’Arctique "Bob" Bartlett), aphorismes furtifs sur la vie et la création, Au nord-est de tout est le portrait de l’artiste en perpétuel outsider - mégalomane, hédoniste, au-dessus de la mêlée, à contre-courant. Quand éclate la Première Guerre mondiale, les autorités canadiennes l’accusent d’être un traître, parce qu’il est contre la guerre contre les Allemands. Normal, il aime Bach et Goethe. S. J. R.

Les dernières
actualités