25 JANVIER - CORRESPONDANCE France

"Ouchy, le 21/III/1977. Mon cher Jérôme, je relis ce texte au soleil vert et bleu (les arbres, le lac). Je vais dans un instant le donner à la poste d'Ouchy. Le dernier cahier d'Arland... Cela me touche au coeur. Elisabeth lit des dissertations à côté de moi. Les mouettes se battent autour du pain des demoiselles. Le printemps, quoi. Ton J."

Une lettre parmi d'autres et voilà, tout y est de ce qui forme la trame de trente-quatre ans d'amitié. La compagnie des livres, celle des écrivains (des femmes aussi), les saisons comme des commentaires, la nature qui irrigue, et le coeur qui, comme chacun sait, est un chasseur solitaire et ne s'accorde qu'auprès de compagnies choisies. Et comme un motif caché dans le tapis, l'accord secret des deux amis : la présence des morts, celle des pères...

Le 30 avril 1975, un jeune homme de 18 ans, Jérôme Garcin, riche avant tout d'ardentes espérances, écrit à Jacques Chessex, qui depuis l'obtention du Goncourt deux ans auparavant est devenu le plus connu des écrivains suisses en France. L'un aurait pu être le père de l'autre, mais comme les deux, orphelins, mettaient à rester des fils une énergie folle, l'aîné eut la générosité d'accepter du cadet d'être son pair. Ils devinrent amis, ce qui est mieux que bien. De cette lettre inaugurale où Garcin sut saisir l'attention de son destinataire, lui parlant de sa poésie, d'écriture, de lecture, de la place qu'elle occupe dans la vie des garçons solitaires, s'ensuivit une correspondance, que seule interrompra la mort en 2009 de l'ermite de Ropraz, dont on était loin d'imaginer l'ampleur, ni la belle exigence. De quoi est-il question tout au long de ces années ? Du passage des jours, de ce qui se transforme et de ce qui demeure. C'est-à-dire lire, écrire, vivre, comme un secret partagé, même si l'on ne se refuse pas les joies plus triviales de l'établissement... Ces deux-là s'aimaient puisqu'ils aimaient ensemble (admirables pages autour de Gustave Roud, de Francis Ponge, de François Nourissier ou de la trace de Paulhan) et eurent pour se l'avouer les mots pour le dire.

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