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Francis Geffard (America) : « N’importe qui peut devenir un auteur américain »

Francis Geffard, président du Festival America - Photo Photo Olivier Dion

Francis Geffard (America) : « N’importe qui peut devenir un auteur américain »

Le président du festival America, qui fête ses vingt ans, veut faire entendre les « voix d’Amérique » pour sa 10ème édition qui se tient à Vincennes (94) du 22 au 25 septembre.

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Par Éric Dupuy,
Créé le 19.09.2022 à 13h18 ,
Mis à jour le 19.09.2022 à 19h14

Après quatre ans et une édition 2020 reportée puis annulée, le festival America revient à Vincennes (94) du 22 au 25 septembre avec 70 auteurs nord-américains invités. Le thème « Voix d’Amérique » déjà prévu en 2020 a été conservé. A quelques jours du 530ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, le 12 octobre, le président du festival, Francis Geffard, a souhaité mettre à l’honneur des écrivains des communautés autochtones du Canada et des États-Unis, avec une délégation d’une vingtaine d'auteurs invités. 

Livres Hebdo : Après quatre ans d’absence liée à la pandémie de Covid-19, comment abordez-vous cette 10ème édition du festival America ?

Francis Geffard : Comme la première édition ! En 2002, nous avons monté ce rendez-vous avec l’ambition de renouveler les évènements littéraires en mettant en avant des thématiques pour le grand public et des auteurs moins connus. Aujourd’hui, ce sont plus de 600 auteurs nord-américains qui sont déjà venus au festival à Vincennes, ce qui nous a permis de bien explorer les liens entre les français et la littérature américaine. Cette année, nous poursuivons cette démarche, avec cette question : « À quoi sert la voix ? » que nous avions prévu pour notre édition de 2020, une année d’élections présidentielles aux États-Unis entre Joe Biden et Donald Trump et qui nous semble toujours d’actualité. Pour cette dixième édition, nous allons réunir de nombreux auteurs engagés, dont une délégation d’écrivains des communautés autochtones d’Amérique du Nord.

Vous avez fondé la librairie Mille Pages à Vincennes, puis êtes devenu éditeur chez Albin Michel avant de fonder ce festival dédié à la littérature nord-américaine. Comment avez-vous réussi à fédérer les représentants français de cette littérature ?

Dès le départ, j’ai souhaité qu’America soit au service d’une littérature dont nous sommes les passeurs. La littérature américaine m’a éduqué à la lecture. Dès 1985, j’ai fait venir des plumes engagées américaines à Mille Pages, comme Toni Morrison. Ce festival, je l’ai souhaité interprofessionnel. En France, nous ne sommes qu’une petite quarantaine d’éditeurs à promouvoir la littérature américaine, ce qui n’est vraiment pas assez par rapport au vivier d’auteurs que représentent les territoires nord-américains.

Comment évolue cette littérature américaine ?

La littérature américaine suit la façon dont l’Amérique évolue ! Les attentats de 2001 ont ouvert de nouvelles pages de la société américaine. Ils ont eu l’effet de réconcilier l’Amérique avec sa relation au monde. Depuis, il y a beaucoup plus de livres qui se passent hors des Etats-unis. C’est devenu l’une des rares littératures universalistes au monde. Les américains sont des gens qui viennent, par essence, d’ailleurs. N’importe qui peut devenir un auteur américain ! Avant 2000, il n’y avait pas d’auteurs américains nés ailleurs, aujourd’hui on retrouve des auteurs américains nés dans le monde entier. Sur le fond, ces dernières années ont été marquées par le féminisme, les mouvements #metoo et #blacklifematers. Après les huit ans de mandat de Barack Obama, il y a eu un retour introspectif sur l’histoire américaine.

C’est-à-dire ?

On a vu se fissurer la représentation de l’idéal américain. Aujourd’hui, on y retrouve une très grande diversité avec un effet pervers : être un écrivain blanc hétérosexuel protestant n’est pas le parfum du mois. Il y a donc peut-être quelques inconvénients à être dans une approche identitaire de la littérature. En mettant en avant l’identité d’un auteur, il ne faut pas que cela se fasse au détriment de la qualité de l’œuvre.  

Comment résiste la littérature américaine, notamment BD, face à la vague « manga » asiatique ?

C’est compliqué de résister à la vague manga. Le roman graphique est devenu une forme littéraire complète. Mais il n’y a pas vraiment de compétition entre l’univers américain et asiatique. C’est une façon complémentaire de rendre compte de l’imaginaire d’un auteur. Quand on lit, on est en quête d’une expérience différente de la nôtre. Quel que soit le chemin, c’est vers là qu’on va.     

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