Avant-Critique Roman

Né à Milan en 1976, reporter de guerre, biographe, prix Strega pour Ne me dis pas que tu as peur (Seuil, 2014), Giuseppe Catozzella fait partie de ces millions d'Italiens du sud dont la famille a migré vers le nord pour échapper à la misère et offrir à ses enfants un avenir meilleur. À travers son roman Brigantessa, fondé sur des faits authentiques et profondément ancrés dans l'imaginaire collectif des Italiens, il a voulu traiter de « la faille qui sépare le nord du sud », dont il est lui-même « le résultat », qu'il « porte en [lui] ». Il y aurait aussi eu, dans la famille, une aïeule brigantessa calabraise... À cela s'ajoute, alors que les faits évoqués remontent aux années 1860, une sourde et durable colère contre Giuseppe Garibaldi, qui fut le héros de la révolution de son pays contre la domination autrichienne, mais ne parvint pas à tenir ses promesses vis-à-vis de ses compatriotes du Mezzogiorno. C'est ce sentiment de « trahison » qui, à l'époque, a poussé des Calabrais comme Maria Oliviero et son mari Pietro Monaco à se révolter, prendre les armes, le maquis, et devenir des « brigands », mais à la façon de Robin des Bois. Alexandre Dumas, qui soutint Garibaldi et combattit lui-même dans son armée, s'inspira de l'histoire de ce couple pour son Prince des voleurs (paru posthume en 1872). Et il a d'ailleurs failli leur consacrer un roman, demeuré inachevé, après avoir conté leurs exploits en feuilleton de sept épisodes, en 1864, dans son propre journal, L'Indipendente. C'est cette année-là, Pietro déjà mort, que Maria, devenue Ciccilla, est arrêtée par les soldats dans son repaire de la forêt de la Sila, à la suite d'une dénonciation. Elle est traduite devant le tribunal militaire de Catanzaro, et condamnée à mort. Elle a 22 ans.

Le roman de Catozzella s'ouvre sur ce dénouement tragique. Tout le reste est conté par l'héroïne elle-même, à la première personne, depuis son enfance misérable jusqu'à sa capture. En passant par toutes ses aventures rocambolesques, et son amour romantique pour Pietro. Pour nous, Français, Brigantessa est un passionnant roman historique, à la Dumas. Pour les Italiens, une épine dans leur chair, toujours douloureuse.

Giuseppe Catozzella
Brigantessa Traduit de l’italien par Nathalie Bauer
Buchet Chastel
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 22,50 € ; 384 p.
ISBN: 9782283035665

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