Il y a d’un côté la crise. Certes, on nous dit que la culture y échappe, les Français goûtant particulièrement les consommations culturelles en ces temps agités, car ils y trouvent les repères qui leur manquent lorsque le chômage s’accroit inexorablement.   Il est vrai que le marché du livre fut stable l’an passé. Pourtant, le prix du panier moyen de l’acheteur diminue, et certains pans du marché ne pourront que souffrir de l’inquiétude devant une éventuelle baisse du pouvoir d’achat. A La crise, s’ajoutent les interrogations sur le numérique.   Le nombre de titres numérisés s’accroît à grande vitesse aux Etats-Unis, alors que les acteurs du marché français souhaiteraient, pour paraphraser un ancien premier ministre, donner du temps au temps. On les comprend, mais le numérique a toujours pactisé avec l’immédiateté. Comment composer avec ces rythmes décalés ? C’est dans ce contexte qu’il faut aussi relever la schizophrénie du discours sur la culture du gratuit. Gratuits pour les moins de 26 ans, les musées ? L’idée est sympathique, n’attirera pas les rétifs mais nourrit le brouillage des messages. A moins de 26 ans, c’est tout le culturel, et tout de suite !   On voit mal pourquoi le même message ne devrait s’appliquer qu’à un pan des pratiques culturelles et pas à la totalité. D’un côté, on fustige donc la gratuité, celle que l’on associe trop vite au seul mode d’accès dans le monde immatériel, celle qui préside au téléchargement illégal, une sorte de monde de liberté, qui n’est pas sans renvoyer au double sens du terme anglais free. Et d’un autre côté, la gratuité est adoptée : nous sommes alors dans le monde des musées, du service public ; puisque les collections appartiennent à tous, pourquoi y aurait-il lieu de payer pour les visiter ? La gratuité simplifie la visite : pas de file d’attente, l’entrée et la sortie sont libres. Les musées étaient déjà gratuits pour les moins de 18 ans et la plupart de ceux qui ne peuvent payer. Pour un effet de manche et quelques beaux discours, le ministère de la culture nourrit au plus mauvais moment le mythe de la gratuité et de son efficacité pour lutter contre les inégalités de pratiques culturelles. Il suffit de se dire que la lecture relève du service public, ce qui est vrai, pour que le pas soit franchi qui va de la gratuité de l’accès aux bibliothèques à celle des livres numérisés. A un moment d’interrogations et de doutes, ce double discours n’est pas de nature à inciter le monde du livre éditeurs à accélérer le rythme de la numérisation.  
15.10 2013

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