3 septembre > Premier roman France

"En le désirant mais sans le prévoir, j’étais devenu père de famille." Le constat résume assez bien la personnalité indécise de Paul, 45 ans, professeur de français dans un lycée de Lorient qui raconte comment il a pourtant brutalement largué les amarres un matin de rentrée des classes après avoir assisté "épouvantablement seul à une scène horrible". Comment, à la suite de cet événement en réalité moins tragique qu’il ne le présente, il a quitté du jour au lendemain sa femme, Aude, leurs deux fils, son métier et une "existence heureuse car ignorante d’elle-même, noyée dans ses détails et ses instantanéités", qui le contentait jusque-là.

Le premier roman de Marion Guillot, dont la notice biographique fournie par les éditions de Minuit ne précise que l’âge, 29 ans, suit rétrospectivement et à la première personne la fuite de Paul et son nouveau départ à Nantes où la seule personne qu’il connaisse est Rodolphe, son plus vieil ami. L’aménagement du deux-pièces qu’il loue occupe largement son esprit et son temps : l’appartement est équipé d’une baignoire sous une fenêtre de toit d’où il peut - ça le réjouit - voir le ciel et les deux tours de la cathédrale, mais ne dispose pas encore d’évier. Son installation, trois mois plus tard, sera l’occasion de faire la connaissance de Simon, le menuisier envoyé par le propriétaire.

Entre-temps, solitude et désœuvrement sont au programme. Il s’emploie néanmoins à se discipliner en s’installant à son bureau à heures fixes. Tout a l’air normal dans la nouvelle vie du déserteur sans regrets. Tout juste quelques manies et des accès phobiques commencent-ils à alerter le lecteur, comme quand, saisi d’un dégoût insurmontable, il appelle Rodolphe à l’aide, pour le débarrasser d’Henri, le poisson rouge qu’il s’est offert et qui agonise sur le plancher après avoir sauté de son bocal. Changer d’air ou comment respirer hors de l’eau. V. R.

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