6 avril > Histoire Royaume-Uni > Robert Gildea

L’histoire, c’est d’abord une enquête sur les traces visibles et invisibles d’un fait. C’est bien le sens de la démarche de Robert Gildea dans son approche de la Résistance. Professeur d’histoire de la France contemporaine à l’université d’Oxford, il a collecté journaux, lettres, Mémoires, témoignages et entretiens pour se saisir, dans le meilleur sens du terme, du mythe de la Résistance. "Un mythe n’est pas une fiction sur une chose qui n’a jamais eu lieu, mais plutôt un récit qui sert à définir ou à unifier un mouvement ou une collectivité." Ce récit, il le développe avec beaucoup d’intensité à travers ceux qui ont vécu cette aventure. En remettant au cœur de cette histoire la mémoire des résistants, il s’éloigne fatalement des postures universitaires hexagonales qui se méfient des témoignages écrits et oraux au profit des analyses. Lui leur donne foi pour dévoiler "la subjectivité individuelle, l’expérience de la résistance et le sens que les résistants ont donné plus tard à leur action."

A côté des héros plus ou moins connus de cette armée des ombres, Robert Gildea s’attache à montrer le rôle déterminant des femmes dans cet engagement clandestin. Madeleine Riffaud, Geneviève de Gaulle, Lise London, Germaine Tillion, Lucie Aubrac, Danielle Casanova, Adrienne Régal, Berty Albrecht, impossible de les nommer toutes. Mais toutes ont risqué leur vie et beaucoup l’on perdue. "Tandis que les mâles dominants se disputaient le pouvoir, les femmes apportaient une contribution croissante à la Résistance."

Parallèlement, l’historien britannique corrige la vision nationale et met en évidence le rôle des résistants étrangers dans ce processus de libération, au travers des FTP-MOI (francs-tireurs et partisans, main-d’œuvre immigrée) et des personnages comme Missak Manouchian. Antifascistes italiens, républicains espagnols, communistes polonais et révolutionnaires du Yiddishland ont constitué une palette de sensibilités qui ont beaucoup contribué à la lutte contre Vichy et contre les nazis. En donnant ce coup de projecteur, Gildea explique la Résistance en France plutôt que la Résistance française.

Cette histoire, les Français la connaissent, mais Gildea la raconte autrement. De l’intérieur, en insistant sur la dimension humaine plutôt que sur l’analyse politique. Avec son regard britannique, il complète les nombreux pavés universitaires par une approche vécue de la Résistance. Par ce travail efficace, incarné, au style fluide, il est plus proche des ouvrages de Daniel Cordier ou de Jean-Louis Crémieux-Brilhac, qui eux-mêmes avaient rallié de Gaulle à Londres.

Dans ce résultat de dix ans de recherches, Gildea propose également un autre regard sur les années Vichy. A l’histoire quelquefois trop institutionnelle, il oppose une histoire émotionnelle qui cherche à comprendre comment des communistes, des catholiques, des conservateurs et des anarchistes se sont retrouvés dans un même mouvement de refus, avec des motivations différentes, des dissensions internes, mais sous la même bannière de la liberté.

L. L.

Les dernières
actualités