2 mars > Jeunesse France

Voilà trois livres qui devraient filer un sévère urticaire aux adeptes du rose layette pour les filles et du bleu lavande pour les garçons ! Ici, le genre choisi par la nature ne coïncide pas forcément avec celui de notre propre nature… Voyez la trogne de ce pauvre taurillon Jean-Georges, prince de son état, que son tyran de père, alias Grosbull, a sommé de prendre femme. Défile alors tout ce que le royaume compte de belles laitières dotées de pis rebondis et de démarches lascives. Hélas, nulle blonde d’Aquitaine, nulle montbéliarde ne trouve grâce aux yeux du prince. Magnanime, le paternel va jusqu’à envisager une mésalliance avec une truie. Rebelote avec la parade des mignonnes cochonnes qui se solde elle aussi par un échec. Que Jean-Georges le dise, à la fin, s’il a déjà trouvé chaussure à son pied ! "Ce qui compte, c’est d’être heu-reux", s’exclame Grosbull. Cet album irrésistible signé Christian Voltz a une technique d’illustration singulière : à partir de matériaux de récupération, boutons, feutrine, bijoux, l’auteur construit des scènes qu’il fait photographier.

Beaucoup plus sobre est l’illustration d’Olivier Douzou dans un album qu’il dédie à sa fille Zélie, et où il sonde les ambiguïtés du genre sexuel et grammatical. De beaux portraits au fusain noir, d’une simplicité dépouillée à l’extrême, évoquent les moues de la petite Annabelle qui décide de se faire appeler Buffalo Belle et de remplacer tous les "il" par des "elle". Exemple : "Dans la cour de l’école maternil, elle préfère les outelles et les playmobelles au maril et au tracto-pil…" Mais en grandissant, toutes ces confusions ne sont plus "futelles"… A la fin, la petite rebelle, pardon "rebil", trouve sa voie : "Je suis ce que je suis, je serai ce que je veux."

Telle pourrait être aussi la devise de Raph, l’ado du roman de Catherine Grive dont on ignore le sexe jusqu’à la moitié du livre. Cet été-là, Raph ne part pas en vacances, clouée dans sa chambre. Heureusement, le courrier des voisins piqué dans la boîte aux lettres offre une alternative à son ennui. Mais pas à ce chagrin diffus qu’elle ne peut nommer. Une bien belle traversée des apparences, ce roman. Fabienne Jacob

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