3 mars > Nouvelles France

D’une certaine manière, le titre du premier roman - épatant - d’Erwan Desplanques, Si j’y suis, paru à L’Olivier en 2013, pourrait également servir pour son deuxième ouvrage, un recueil de dix nouvelles. Car la plupart des histoires ici contées le sont par leurs "héros" mêmes. Ainsi ce père qui "vole" son fils Lulu à sa mère, se réfugie à Pont-l’Evêque pour retrouver son amie Valérie, professeure de français à Rouen, avec qui il échafaude des projets d’avenir. Pourquoi pas le Mexique ? Ou bien ce jeune instituteur amoureux d’Olivia, une artiste plasticienne, qu’il va aider à installer trois tonnes de pierre dans la montagne du Pays basque, et qui ne sait comment se débarrasser de François, obstacle à la concrétisation de ses sentiments. Ou encore cet éditeur pris au piège par Caroline, une ex qui, dix-sept ans après, lui impose d’accueillir en stage le jeune Claudius, leur fils, lequel, d’après elle, voudrait être écrivain, alors que le gamin se rêve ornithologue. Au passage, le narrateur assène à l’un de ses auteurs, tout en refusant son nouveau manuscrit, une maxime aussi drôle que définitive : "L’éditeur est à l’écrivain ce que le chien est à l’aveugle."

Desplanques s’amuse à inventer des situations où le lecteur pénètre, comme on monte dans un bus en marche sans trop savoir où il nous conduit. Son registre, c’est le saugrenu, le farfelu, l’ironie légère. Ce garçon est trop bien élevé pour donner dans la démesure. La dernière nouvelle du recueil, "Une véritable petite révolution parisienne", est, elle, assez atypique. L’auteur y retrace, à la troisième personne et à grandes guides - tout cela doit tenir en une douzaine de pages, sinon ça devient une novella, voire un roman -, la vie peu banale de Jean Painlevé (1902-1989), le fils du célèbre Paul, mathématicien et homme politique qui fut plusieurs fois ministre sous la IIIe République. Tout jeune, le fils s’est pris de fascination pour l’univers aquatique sous-marin. Biologiste, il fut proche des surréalistes, avant de devenir l’un des pionniers du cinéma scientifique, avec l’aide de sa femme Ginette. Son premier film, consacré à l’hippocampe, son totem, fait encore référence. Après une guerre impeccable, il sera élu directeur adjoint de la Cinémathèque française. Il a réalisé 200 films, dont certains avec ses amis artistes. Grâce à Erwan Desplanques, cet original a resurgi de l’oubli. La littérature, la bonne, ça sert aussi à ça. J.-C. P.

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