Littérature/France 4 juin Joseph Kessel

Joseph Kessel (1898-1979) détestait son prénom, qu'il ne fit apparaître que tardivement sur la couverture de ses livres, les signant longtemps simplement J. Kessel. Pour lui-même, et ses amis, il fut toujours « Jef ». Ce rapport à soi-même n'a rien d'anecdotique. Outre le signe d'un certain malaise existentiel, qui nourrira toute une partie de son œuvre, c'était également une façon de rompre avec ses confrères, de ne pas poser « à l'écrivain ». Attitude qu'il conservera durant toute sa vie, malgré les nombreux succès (dès son deuxième livre, L'équipage, en 1923), les récompenses (Les rois aveugles remportera en 1927 le Grand prix du roman de l'Académie française), et les honneurs : en 1963, il sera élu à l'Académie française.

Il faut dire que sa vie, dont il disait qu'elle était « plus importante que mon œuvre, mais on peut vivre et écrire à la fois » - une vie de grand reporter, de témoin, puis de résistant (il est l'auteur, avec son neveu Maurice Druon, et Anna Marly, du Chant des partisans), d'homme engagé au service de grandes causes, telles la défense de l'Etat d'Israël dont ce Juif laïque se fit le chantre dès 1948 -, lui avait appris à relativiser les choses et à placer au centre de son univers l'homme, et surtout ce qu'il fait. Kessel fut par-dessus tout un aventurier, un homme d'action, toutes ses expériences venant nourrir une œuvre vaste (plus de 80 volumes), diverse, foisonnante, inégale. Il y a chez lui du Malraux, du Saint-Exupéry, du Cendrars. Du Gary aussi, pour le désespoir, qu'il noiera dans l'alcool. Cette vie, un Album, signé du journaliste Gilles Heuré, la raconte en images, souvent inédites, toujours éclairantes. Kessel est entré en littérature par effraction. Quoique publié à la NRF avec le soutien résolu de Gaston Gallimard, son panache, ses excès, son éclectisme tranchaient sur un milieu littéraire qui ne fut jamais vraiment le sien, et où ses succès considérables (L'équipage, Belle de jour, Le lion, Les cavaliers, entre autres, furent des best-sellers) suscitèrent pas mal de jalousies.

Depuis sa mort, en 1979, on peut dire que Kessel était au purgatoire, où son œuvre attendait un coup de projecteur. Il y eut déjà, en 2010, le volume des Reportages, romans, procuré par Gilles Heuré en « Quarto », voici maintenant ces deux « Pléiade » de Romans et récits, mais pas seulement. L'édition étant chronologique, elle « juxtapose, écrit Serge Linkès, directeur du chantier, des ouvrages relevant, à des degrés divers, de la fiction, du récit, du reportage ou de ce que Kessel aimait à nommer documentaire ». A quoi s'ajoutent, les manuscrits de Kessel étant désormais accessibles, nombre d'inédits, dont le scénario du film Le bataillon du ciel, d'après le roman éponyme paru en 1947. L'archéologie du texte permet de comprendre le projet, le travail d'un écrivain qui avait l'écriture bien moins « facile » qu'on ne pense, surtout à la fin. Le voici désormais reconnu parmi les plus grands du XXe siècle.

Joseph Kessel
Romans et récits. Vol. 1
Gallimard
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 73 € (68 € jusqu’au 31.12.2020) ; 1868 p.
ISBN: 9782072850073
Joseph Kessel
Romans et récits. Volume 2
Gallimard
Tirage: 15 000 ex.
Prix: 72 € (67 € jusqu’au 31.12.2020) ; 1 808 p.
ISBN: 9782072850103
Gilles Heuré
Coffret Kessel Romans et récits
Gallimard
Tirage: NC
Prix: 11, 70 euros ; 256 p. offert par le libraire pour l’achat de 3 volumes de la collection.
ISBN: 9782072889882

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