Il pourrait s'appeler Médor ou Sultan comme tout le monde. Mais non, il ne s'appelle pas. C'est le Chien sans nom, alias le Chien. Quand il débarque dans la petite animalerie de M. Baratin, rue du Général-Maréchal, il n'est pas franchement sociable. Soit dit entre nous, le propriétaire, taiseux et réservé, porte très mal son nom... Pendant que les petits camarades du Chien jappent et jouent, lui les observe, solitaire et reclus. Le mignon petit chiot noir est le premier à partir. Il a tout de suite tapé dans l'œil d'une vieille dame entrée dans la boutique. À leur tour, les autres chiots trouvent preneur.

Qu'est-ce qui ne va pas avec le Chien ? Combien de temps lui faudra-t-il encore attendre en vitrine ? Il se sent bien seul au milieu des vieux os à ronger. M. Baratin l'engage à faire le beau, avec force sauts et cabrioles, histoire d'attirer le chaland. « Être un simple chien qui remue la queue ne suffit plus de nos jours. Les clients sont de plus en plus exigeants ! » Hélas, malgré bonds et ruades, le Chien est toujours aussi transparent. Et quand il sourit, les clients croient qu'il montre les dents... Le propriétaire, qui ne s'attache pourtant à rien ni à personne, l'emmène parfois se promener. Mais qu'on ne vienne pas lui demander si c'est son chien, il proteste haut et fort ! Pourtant, un soir de réveillon, il l'invite chez lui. « Tu n'as rien de prévu ce soir, j'imagine. » L'alliance de la plume infiniment tendre et drôle de Joël Egloff, qui fait là une entrée remarquée en littérature jeunesse, et des illustrations pétillantes de Gaëtan Dorémus ne pouvait donner qu'un bon livre...