C'est l'histoire d'une terrible déchéance, d'une addiction aux NDS (nouvelles drogues de synthèse) qui, associées à d'autres stimulants (le très répandu poppers, banal en apparence mais aux effets secondaires redoutables, ou le GBL, la « drogue du violeur »), permettraient d'atteindre le nirvana sexuel, l'extase inouïe. Les homosexuels, notamment, y auraient recours massivement. Du moins ceux qui fréquentent les clubs, les partouzes... Un milieu particulier, branchouille, parisien, loin d'être représentatif de l'ensemble de la population. Cette association entre psychotropes et sexe se nomme « chems » (abréviation de chemical sex), et ses adeptes même, comme Jérôme Dumont, une ordure, un pervers qui tire son plaisir à entraîner les autres dans ses enfers, la considèrent comme « le fléau des pédés ».

« Pédé », Zède, le narrateur (on n'ose dire le héros), ne l'est pas, du moins au début. C'est un jeune mâle blanc bobo, fils unique de médecin de banlieue, et 100 % hétéro. Journaliste freelance pour la presse underground, il vit avec Mia, une infirmière catalane, une fille bien. Ils ont un fils, Aron, et elle est enceinte d'une petite Priscilla. Leurs deux familles sont aimantes (protecteurs, inquiets, les parents de Zède), s'entendent bien, et tout le monde attend impatiemment l'accouchement.

Zède, très introduit dans les milieux de la « teuf », écrit volontiers sur les lieux glauques, les tendances nouvelles, les marges, un peu dans la lignée de feu Alain Pacadis, pape du gonzo à la française. Pour raconter, il faut aller voir, et même expérimenter, participer. Ce qu'il fait. Avec modération, et juste pour le « taf ». Et puis, bien sûr, il y prend goût, se prête à des séances où ses orientations sexuelles fluctuent (Dumont le présente à ses partenaires comme « hétéro, mais ouvert »). À son tour, il devient addict, au point de partir en vrille, tourner à l'épave agressive, briser son couple, sa famille, négliger son fils. Mia s'en retourne chez elle. C'est alors que, dans un sursaut ultime, Zède s'inscrit aux Narcotiques Anonymes. Décrochera-t-il ?

Johann Zarca, prix de Flore 2017 pour Paname Underground, poursuit dans sa veine trash, non sans talent ni efficacité. L'enquête est réaliste, sans doute réelle. Seul bémol, le voyeurisme, la complaisance de certaines pages (celles en italique) et l'intention finale : alerter ou simplement dépeindre ?

Johann Zarca
Chems
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18,5 € ; 260 p.
ISBN: 9782246820277

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