18 août > Roman France

Fin 2010, quelques mois avant la Révolution qui finirait par chasser du pouvoir le sinistre dictateur Hosni Moubarak, Gilles Sebhan débarquait au Caire, pour la première fois. Il venait y retrouver son ami le photographe Denis Dailleux, installé dans le pays et conquis par ses habitants, les vrais, ceux des quartiers populaires, des bidonvilles, ce petit peuple qui, comme le Nil, est l’une des richesses de l’Egypte.

Parmi tous ces garçons dont la gentillesse et la sensualité le grisent, l’écrivain en élit un particulièrement, Mohamed, le jeune chauffeur de taxi du quartier de Faisal. Il les conduit, y compris dans des endroits risqués ou inavouables, comme le hammam de Ramsès, un bordel délabré, ou dans les rues de Fustat, le Caire primitif. Une esquisse de relation se noue. Mohamed offre à "Gui" sa bague en forme de scarabée, ornée de hiéroglyphes.

Lorsque Sebhan revient au Caire pour retrouver Mohamed, la Révolution a éclaté, et, place Tahrir, la police a tiré sur les manifestants, à balles réelles. Grâce à l’aide de Mahmoud, un jeune cinéaste qui ne laisse pas Denis indifférent, le photographe et l’écrivain vont se lancer dans un projet noble et risqué : rencontrer les familles des jeunes morts, les "martyrs", photographier les lieux où ils vivaient, ainsi que les reliquaires que leurs parents leur ont dédiés, pour en faire un livre. Même ceux dont le fils n’est pas mort, et qui trafiquent des cadavres pour toucher la pension mensuelle octroyée par le nouveau pouvoir, éphémère, celui de Morsi et des Frères musulmans. Mais de Mohamed, plus de nouvelles. Il ne semblait pourtant pas très concerné par le combat politique… Erreur.

Dans ce roman autobiographique tissé comme un tapis, Gilles Sebhan raconte de façon personnelle et émouvante la Révolution égyptienne telle qu’il l’a vécue, aux côtés du peuple du Caire, se mettant parfois en danger. On y voit passer la haute silhouette d’Alaa el-Aswany. Mais pour lui, à jamais, cette histoire aura un prénom, Mohamed, à qui ce beau livre sert de sarcophage.

Jean-Claude Perrier

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