3 mars > Histoire France

Léon Blum (1872-1950) était avec les femmes comme avec les réformes. Il les aimait beaucoup et en changeait souvent. Quoique. Certaines eurent dans sa vie une place prédominante. Ce fut le cas de Thérèse. On la connaît peu. Et pour cause. Cet amour fut caché pendant vingt ans, jusqu’à leur mariage en 1932.

Avant cette officialisation, Blum ne voulut pas choisir entre sa femme et sa jeune maîtresse. C’était sa manière de rester politique, fidèle aussi à cette veine stendhalienne et assez libertaire qu’il avait exprimée dans son essai sur le mariage.

Thérèse Pereyra (1881-1938) attendra donc pour devenir Madame Blum. Pour préparer le terrain, elle se sépare tout de même de son mari Edmond avec lequel elle n’entretenait plus que des liens juridiques. Léon, lui, patiente jusqu’à la mort de son épouse Lise en 1931.

Mais heureusement pour elle, Thérèse ne fit pas qu’attendre l’homme du Front populaire. Cette ancienne infirmière eut aussi une influence politique sur Blum. Elle est elle-même militante à la SFIO, 16e section de la fédération de la Seine, où elle croise les jeunes socialistes Claude Lévi-Strauss ou Maurice Schumann. Elle est aussi très active dans le milieu culturel, notamment musical. Dans son sillage s’invitent volontiers Paul Dukas ou Vincent d’Indy.

Dans l’ombre de Léon, Thérèse accepte avec la même constance les succès et les défaites. Après le mariage, elle supporte les ragots sur les infidélités du chef de la SFIO, les attaques antisémites de la presse d’extrême droite, jusqu’à l’agression à l’angle du boulevard Saint-Germain et de la rue de l’Université en février 1936.

Officiellement, Thérèse et Léon ne vécurent que six ans ensemble. En réalité, c’est plus d’un quart de siècle de complicité et d’amour qui a fait tenir ce couple de cœur qui a inspiré en 2001 à Claude Goretta un téléfilm interprêté par Claude Rich et Dominique Labourier.

Avec beaucoup de tact et de sensibilité, Dominique Missika s’intéresse à ces personnages que l’on dit un peu rapidement secondaires, à ces femmes d’exception qui sont restées discrètes. Après Berty Albrecht (Perrin, "Tempus", 2014) ou Gabrielle Perrier (L’institutrice d’Izieu, chez Points le 17 mars), elle fait le portrait de cette femme élégante, sportive et émancipée qui fit jaser parce qu’elle conduisait sa voiture elle-même. Emportée par une syncope cardiaque à l’âge de 56 ans, Thérèse laisse la marque d’un personnage éminemment romanesque dans lequel se reflète une époque pleine d’espoirs et de tourments. L. L.

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